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affaires. Il est devenu un des dirigeants d’un puissant syndicat d’industriels qui ressemble à notre comité des Forges ; il s’est trouvé à ce titre sous les ordres de Stinnes qui était un de ses grands patrons.

Comme je lui marquais tout d’abord l’impression détestable produite sur la Conférence par le discours de ce dernier : « Lequel de vous deux devons-nous croire, lui dis-je ? Vous qui nous tenez un langage volontiers conciliant, ou Stinnes dont l’attitude est si intransigeante et les propos si déplaisants ? Vous consentez, vous, à nous verser quelque chose. Mais Stinnes, lui, refuse en somme de payer quoi que ce soit !

— J’espère réussir à le convaincre, me répond Simons. D’ailleurs les événements eux-mêmes, les décisions prises à la Conférence ne manqueront pas de l’impressionner. C’est pourquoi j’ai été très content qu’il vînt ici. La première fois que j’ai parlé de l’adjoindre à notre délégation, plusieurs de mes collègues du Ministère ont poussé les hauts cris. « Vous n’y pensez pas, m’ont-ils dit, il va tenir à Spa le langage le plus violent, indisposer les hommes d’Etat alliés. » S’il doit se montrer violent, ai-je répondu, j’aime mieux que ce soit à Spa qu’à Berlin.

L’influence de Stinnes est évidemment des plus considérables ; les ministres allemands qui se trouvent ici ne le cachent point ; la plupart d’entre eux sont de petits garçons vis à vis de lui ; la situation du Ministère est entre ses mains. Stinnes manie les experts à sa guise ; les notes remises par les Allemands, sont plus ou moins inspirées par lui.


* * *

« Que d’experts nous avons ici ! me dit un de mes amis. Ils sont aussi nombreux que les grains de sable sur la plage ou les étoiles au firmament : finances, charbon, armée, avions, marine de guerre et marine marchande, que sais-je encore ? chacun d’eux est accompagné de deux ou trois secrétaires, d’une demi-douzaine de dactylographes. Comme il n’en est pas un qui ne gagne au bas mot, payables en bonnes livres britanniques, ou en marks or, dans les cinquante mille francs par an, croyez-vous que lorsque tout ce monde-là aura, durant dix, vingt, trente années pesé, compté, flairé, expertisé à loisir la montant de la dette allemande, il en restera quoi que-ce soit pour les pauvres créanciers que nous sommes ? Ce sera comme