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PASCAL ET LE « DISCOURS SUR LES PASSIONS DE L'AMOUR. »

nom de Méré. Mais, sans aller jusqu’à dire, avec Emile Faguet, que « Méré est un imbécile, » Méré n’eût, évidemment pas été capable d’écrire le Discours. Je passe sur d’autres raisons, que donne M. Lanson, et qui me semblent irréfutables. Et j’admets bien volontiers avec lui que, plutôt que d’attribuer à Méré, Milon, ou à je ne sais quel mystérieux inconnu de l’entourage mondain de Pascal le Discours sur les passions de l’amour, il est plus sage, plus simple et plus « économique » de l’attribuer à Pascal lui-même.

Et M. Lanson de conclure, provisoirement, que la balance qui, selon moi, « restait en équilibre, » maintenant « fléchit fortement du côté de Pascal. » Les raisons que j’ai fait valoir pour justifier l’hypothèse d’un pastiche ou d’une imitation involontaire de Pascal m’empêchent de souscrire pleinement à ce langage. Mais, pour suivre la métaphore, que la balance commence à fléchir du côté de Pascal, c’est ce que je reconnais sans la moindre difficulté.


« Cependant, dira-t-on, il n’y a rien dans tout cela de décisif. Rien ne fait preuve. C’est vrai. » C’est M. Lanson lui-même qui parle ainsi, et nous reconnaissons bien là la parfaite probité de sa pensée et sas légitimes exigences en matière de preuves. Et il en vient, quittant le terrain des hypothèses et des vraisemblances historiques, où, quoi que nous fassions, un peu de subjectivisme se mêle nécessairement à nos ignorances, à « essayer la seule méthode qui, dans l’espèce, puisse fournir une preuve, » j’entends une preuve positive.

« Pour établir, — avais-je écrit ici même, — d’une manière péremptoire l’authenticité du Discours, il faudrait découvrir, — et je ne crois pas que l’on y parvienne, — entre certaines des Pensées retrouvées au cours du XIXe siècle et certains passages du Discours des rapports si étroits, que l’identité de l’auteur s’imposerait. » M. Lanson veut bien approuver et reprendre cette observation ; il la complète avec raison, en remarquant qu’aux Pensées retrouvées au XIXe siècle il faudrait joindre celles qu’on a découvertes au XVIIIe siècle, puisque les manuscrits du Discours sont manifestement du XVIIe siècle. Et il se livre à ce minutieux travail de comparaison de textes dont les résultats ne m’inspiraient qu’une médiocre confiance. Je raisonnais, non.