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PASCAL ET LE « DISCOURS SUR LES PASSIONS DE L’AMOUR. »

un livre d’Essais ; livre de lettré et de moraliste où il y a un peu de tout : des notes d’exégèse et presque de philologie ; de fines remarques de critique littéraire et d’histoire ; d’abondantes conjectures sur la vie sentimentale de Pascal, ou de l’auteur, quel qu’il soit, du Discours ; des rêveries, des méditations, des observations psychologiques, toujours ingénieuses, souvent pénétrantes ; bref, toutes les libres démarches d’une pensée singulièrement originale, souple et compréhensive, et qu’une autre pensée supérieure a mise en branle. Le Commentaire du « Discours sur les passions de l’amour » est de la même époque et de la même veine que les Dix commandements, et il n’est pas sans ajouter quelques traits à la définition d’Émile Faguet moraliste.

Émile Faguet avait fait précéder son Commentaire d’un court Avertissement où il discutait à son tour la question de l’attribution du Discours. Des arguments que j’avais présentés pour combattre la thèse de l’attribution à Pascal, les uns lui paraissaient « excellents, » et les autres « faibles. » Et il concluait : « Pour moi, je ne suis pas sûr du tout que le Discours sur les passions de l’amour soit de Pascal ; mais je le crois très fort, parce que, quand je le lis, je me trouve à toutes les lignes en plein Pascal, et je crois que, le Discours n’eût-il jamais été attribué à Pascal, je le lui attribuerais spontanément, comme un amateur expérimenté attribue un tableau à Véronèse. Mais ceci, — avouait-il, — n’est aucunement scientifique ; il est tout littéraire et par conséquent inintellectuel. » Et comme pour mieux montrer encore que sa conviction première était maintenant moins assurée, il déclarait qu’il examinerait le Discours « sans pensée de derrière la tête et comme s’il était de n’importe qui, » et il intitulait même son livre : Discours sur les passions de l’amour ATTRIBUE A PASCAL. AU fond, mon scepticisme n’en demandait pas davantage.

Les choses en étaient là quand, reprenant à fond toute la question, M. Gustave Lanson l’a examinée sous ses divers aspects dans un vigoureux, solide et savant article. Si quelques-uns des arguments par lesquels j’essayais de justifier mon incrédulité lui semblaient un peu « légers, » il acceptait tout l’essentiel de ma démonstration, qu’il voulait bien qualifier de « péremptoire. » Mais, alors que, m’en tenant à l’inexistence de preuves extrinsèques de l’origine pascalienne du Discours, je me