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Quarterly. Ces divers travaux ont, assez inégalement, mais, au total, profondément modifié mes vues primitives. Il n’est que loyal, ce me semble, d’en prévenir mes lecteurs et de leur dire très simplement pourquoi.


Les quelques pages que M Brunschvicg a placées en guise d’introduction à sa publication du Discours sont plutôt un élégant résumé des débats qu’une étude approfondie et personnelle de la question. M. Brunschvicg n’aime visiblement pas à prendre nettement parti, et sa pensée, subtile, fuyante, et parfois obscure, esquive plus volontiers les difficultés qu’elle ne les aborde de front. Il avait cru jadis que « le Discours est bien de Pascal ; » il le croit encore ; mais il est manifeste que sa foi est un peu ébranlée, et qu’elle ne repose pas sur des arguments bien solides ; elle s’exprime en termes moins compromettants, et elle s’abstient désormais de certaines imprudences de langage et de certains cercles vicieux où elle se laissait entraîner jadis Au reste, sur Pascal mondain et amoureux, les commentaires de M Bruuschvicg sont justes, fins, ingénieux, marqués au coin d’une très prudente sagesse.

Émile Faguet, on le sait de reste, écrivait un livre aussi facilement que d’autres écrivent un article Son Commentaire du « Discourt sur les passions de l’amour » est daté d’avril 1910. Il venait de recevoir mon volume sur Blaise Pascal. Piqué au jeu par mon étude sur Pascal amoureux et sur le Discours, et se trouvant disponible, il eut l’idée de revenir sur la question qu’il avait jadis soulevée et discutée dans ses Amours d’hommes de lettres, mais cette fois d’une manière aussi peu didactique que possible. Il reprit le Discours, et, « en lisant » ce beau texte, mais comme il savait lire, lentement, posément, voluptueusement, rêvant et méditant entre les lignes, discutant avec l’auteur, avec un interlocuteur imaginaire, ou avec lui-même, se laissant aller à toutes les saillies, à toutes les fantaisies de son humeur un peu vagabonde, à tous les souvenirs, à tous les rapprochements que lui suggérait sa riche mémoire, il se mit à noter librement les réflexions de toute espèce qui lui venaient à l’esprit. Et au bout d’un mois, un livre — de 324 pages — fut écrit comme en marge du Discours : livre charmant, amusant et piquant, qui eût enchanté Montaigne, et qui est proprement