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— Plus loin, à la chapelle de Feuchy.

Je dépassai, toujours en auto, Tilloy vers l’Est.

À gauche et à droite de la route, je vis une ligne de batteries de 75 en action : des bataillons en colonnes doubles, et, plus loin, des compagnies déployées face à la crête de la Chapelle.

— Le général Barbot ?

— Il est aux meules, là, à gauche, sur le chemin de terre. J’abritai mon petit auto derrière le mur de la chapelle ; et à pied je me dirigeai par le chemin indiqué vers les meules où tombaient les obus et où claquaient les balles.

Un groupe de fantassins était là, en pantalon rouge, capote bleue et béret alpin.

J’en remarquai un :

— Mon brave, lui dis-je, où est le général Barbot ?

— C’est moi, jeune homme, me répondit-il.

— Mon général, je viens de la part du général de Maud’huy vous demander de « tenir jusqu’au bout. »

— Inutile, je sais.

— Mon général, Je général de Maud’huy m’a chargé de vous faire connaître on outre les dispositions qu’il vient de prendre pour le 10e corps.

À ce moment, je sentis une main se poser sur mon épaule. Impassible, élégant, le képi rouge fleuri d’or, le général d’Urbal me souriait :

— Lieutenant, me dit-il, vous voyez bien que le général Barbot est très occupé. Exposez-moi ce que vous avez à lui dire, puis je vous montrerai comment nous entendons donner satisfaction au général de Maud’huy.

Il écoula jusqu’au bout mon petit discours et m’exposa comment on avait dû évacuer Monchy-le-Preux. Pendant ce temps, je regardais d’un œil de plus en plus inquiet la chaîne de nos propres tirailleurs qui abandonnaient la crête Nord de la Chapelle et qui, peu à peu, reculaient sur nous…

— Les voilà !

Toute une ligne de tirailleurs ennemis, casques profilés sur le ciel, venait d’apparaître sur la crête à la place où tout à l’heure étaient les nôtres…

Alors le général d’Urbal, parfaitement calme, toujours souriant, me dit :