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que toutes les personnes présentes, eurent comme lui le pressentiment qu’un événement fatal se préparait.

La constante angoisse, la perpétuelle menace d’être poignardés par cette bande de gardiens féroces devint, pour les malheureux, un supplice intolérable, un affolant cauchemar.

Dans la nuit du 16 au 17 juillet, à deux heures du matin, les cinq plus importants députés des Soviets pénétrèrent dans les chambres où la famille impériale reposait. Jourowskyh les accompagnait : les prisonniers, avec toute leur suite, à l’exception d’un jeune garçon du nom de Sidneff qui n’avait que quatorze ans, furent conduits dans les sous-sols de la maison.

Il était environ trois heures du matin.

Jourowskyh lut un papier ; puis, sa lecture achevée, il ajouta : « Ainsi, votre vie est finie. » Le Tsar répondit : « Je suis prêt. » Lui, la Tsarine, la grande-duchesse Olga Nikolaïevna et le docteur Botkine firent le signe de la croix ; les trois autres grandes-duchesses s’évanouirent ; le petit tsarévitch resta debout, les yeux fixes et hors des orbites, comme s’il perdait la raison.

Jourowskyh donna le signal et tira le premier coup de revolver : l’Empereur fût tué à bout portant. Alors commença une furieuse tuerie : il y eut une grêle de coups de fusils et de coups de revolvers. Ceux qui ne moururent pas sur-le-champ furent achevés à coups de crosses et de baïonnettes. La grande-duchesse Anastasie Nicolaïevna, qui n’était qu’évanouie, se mit à crier quand on voulut la toucher : elle fut assassinée à coups de baïonnettes. La quantité de sang répandue était si grande, qu’il en coula dans le sous-sol voisin.

Les meurtriers étaient : le Russe Jourowskyh, les dix gardiens lettons et cinq députés des Soviets, juifs tous les cinq. L’aide-gardien de Jourowskyh, le Russe Paul Medvedieff, qui devait mourir d’une crise cardiaque trois jours plus tard, avait aussi pris part au carnage.

Ces faits sont établis par le prêtre et le diacre, par la veuve de ce Medvedieff, à qui son mari avait tout avoué, par la sœur de Jourowrskyh et par deux des gardiens qui racontèrent le drame à divers membres de leur famille.

Les gardiens furent laissés dans le sous-sol avec l’ordre de faire disparaître toutes traces du meurtre, besogne qui les occupa jusqu’à six heures du matin. Les cadavres, empilés dans un camion-automobile, furent transportés à un endroit situé à une