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LE CRIME D’EKATERINBURG
16-17 JUILLET 1918

Les lignes qui suivent sont l’exacte relation de l’audience qui me fut accordée par le général Diederichs, l’ancien commandant des troupes Tchéco-Slovaques en Sibérie. Le général s’est livré à de minutieuses recherches ; il a sans trêve ni merci fouillé la ville d’Ekaterinburg et ses environs ; avec une infatigable et douloureuse énergie il a suivi chaque piste, recueilli chaque indice, interrogé chaque témoin pour établir sur des preuves irrécusables le sort du Tsar, de la famille impériale et de sa suite. Les doutes concernant la mort de Nicolas II et des siens doivent, hélas ! tomber à tout jamais : la famille impériale a été massacrée d’une manière aussi lâche que barbare. Le comité de recherches en possède d’abondantes preuves documentaires et matérielles. Les procès-verbaux résultant de cette longue et laborieuse enquête seront en temps et lieu publiés au grand jour. Mais, dès maintenant, il me semble opportun de faire connaître qu’ayant à sa disposition plusieurs milliers d’objets et de documents, outre les déclarations de différents témoins, le général Diederichs a pu reconstituer toute la scène du meurtre, telle qu’elle s’est déroulée dans la nuit du 17 au 18 juillet 1918.

Voici le récit authentique du drame, tel que je l’ai recueilli de la bouche du général ; le lecteur comprendra que je m’y sois scrupuleusement abstenu de tout commentaire.


Les « Soviets » avaient décidé de transporter la famille impériale de Tobolsk.[1], où elle avait été tenue prisonnière

  1. Les membres de la famille impériale, l’Empereur surtout, y étaient devenus l’objet d’une vénération naïve et touchante. Les voyant prier si souvent et avec tant d’ardeur, les paysans des environs leur apportaient d’humbles offrandes, des objets de piété à toucher ; ils les regardaient prier et, s’agenouillant, joignaient leurs prières à celles des prisonniers, traités encore à cette époque avec des égards relatifs. C’est évidemment cette popularité à hase religieuse, toujours croissante, qui alarma les « Soviets ; » malgré, ou peut-être à cause de l’éloignement du chemin de fer (200 kilomètres), ils craignirent un enlèvement par les paysans et décidèrent alors, dès que les routes, au sortir de l’hiver, devinrent quelque peu praticables, le transport à Ekaterinburg.