Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 58.djvu/501

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui ? Oui, sans doute. Mais quelque chose passe avant tout cela, qui véritablement est premier. Pascal a écrit : il faut faire le propre de tout. Or, le propre de la vie est d’être durée, de se continuer, de se transmettre et finalement de nous conduire devant un berceau. Dans le magnifique effort d’éducation moderne, où l’on voit tant de belles choses, et si nouvelles, pense-t-on suffisamment au propre de la vie ? Pense-t-on suffisamment à ce qu’il faut mettre ou laisser dans le cœur de l’homme pour multiplier les berceaux ?

Et cela s’appelle de différents noms, étant tout à la fois instinct, goût du risque, optimisme, courage, simplicité de pensée, sentiment obscur et enchanteur de la durée, ambition de vie, foi dans cette ambition, en somme une spiritualité où rien ne relève de l’esprit de géométrie et qui cependant ne connaît pas le doute.

C’est à développer cette spiritualité de vie qu’on doit travailler si l’on veut rétablir la paysannerie française, saignée à blanc par la guerre. La question de la terre se ramène donc à une question morale, et la plus délicate qui soit. Le problème de la terre et celui de la natalité, liés ensemble étroitement, dominés par une spiritualité, sont un problème de l’âme. Tous les appuis matériels ne valent que pour obtenir son consentement, seul décisif. La responsabilité de l’éducateur est ici complètement engagée. Si, pour réussir, l’esprit de science ne suffit pas, qu’il y joigne l’autre et tout ce qu’il faudra. On ne le chicanera pas sur les moyens pourvu que soit sauvé l’avenir de la France, car en définitive il ne s’agit pas d’autre chose.


DOCTEUR EMMANUEL LABAT.