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nous rend déjà de précieux services : elle ne fait pas à la terre tout le bien qu’elle lui pourrait faire et qu’elle lui fera le jour où, selon notre formule, dans chaque commune agricole de France il y aura une école paysanne tenue par un maître paysan. L’un et l’autre sortiront grandis de cette réforme, dont nous ne méconnaissons pas la difficulté. Elle n’est pas au-dessus des courages que la victoire anime à refaire la France.

La partie ne sera d’ailleurs véritablement gagnée que par le relèvement de notre natalité paysanne. C’est là qu’est le problème. Ce relèvement sera le salut de la terre et aussi de la race. C’est aux champs que notre race s’est formée et par eux qu’elle se maintiendra. Elle en tire ses muscles, son endurance, son courage, sa modération, son bon sens, une partie de ce qui compose le charme de l’esprit français. Il n’entre pas dans notre sujet de parler de la natalité, encore qu’au lendemain de la catastrophe on n’échappe pas à deux obsessions. Sans la faiblesse de notre natalité l’Allemagne n’aurait pas osé préméditer et commettre son crime. Cette faiblesse reste le point noir pour l’avenir, le point d’appel à de nouveaux malheurs.

De même, quelles que soient les épreuves d’un peuple, si longues et si dures qu’on les suppose, tous les espoirs lui sont permis s’il garde une belle natalité, témoin la Pologne qui ressuscite cent cinquante ans après sa mise au tombeau, témoin l’Alsace-Lorraine résistant au colossal effort de germanisation d’un demi-siècle. On frémit à la pensée de ce qui serait arrivé si trois de nos départements à basse natalité avaient dû supporter la même épreuve. Strasbourg fut bien choisi par M. Clemenceau pour en faire partir son solennel avertissement : le plus grand souci de la France doit être sa natalité, et c’est une question morale.

Hygiénistes, médecins, économistes, financiers, sociologues, juristes, législateurs s’empressent à la résoudre, et ont raison de s’y employer ; car, si morale qu’elle soit, une question est toujours tributaire d’une foule de contingences qui ne le sont pas. Nous voudrions voir se joindre à eux tous les éducateurs, animés d’un beau pragmatisme, prêts à tout sacrifier, idées et doctrines, au succès de l’entreprise. L’éducation a pour fin la vie qui reste son critère. La vie est tout dans l’être vivant, l’homme comme l’amibe. Vivre, pour l’homme, n’est-ce pas réaliser la plus haute possibilité de vie physique, intellectuelle et morale, inscrite en