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qu’elle a signé et ratifié l’an dernier. Elle demande de remplacer ses engagements par d’autres et, quand les seconds ne lui plairont plus, un nouveau Fehrenbach viendra nous dire « Le traité de Spa contient des clauses inexécutables et je ne promettrai jamais, quant à moi, d’exécuter des choses que je considère comme impossibles. »

Voilà où nous conduira fatalement la pente où nous continuons à dévaler. M. Fehrenbach, qui nous regarde glisser, est tout prêt à nous recueillir dans ses bras au bord du précipice : « La presse, dit-il aimablement aux journalistes alliés, la presse a un grand rôle à jouer pour l’œuvre de paix qui s’engage et l’humanité pourra vous être reconnaissante si vous unissez vos efforts aux nôtres. » Est-ce le langage d’un vaincu ou celui d’un vainqueur? Est-ce l’attitude d’un débiteur ou celle d’un créancier? On ne sait plus ; et ce qu’il y a de plus piquant, c’est que, sans doute, M. Fehrenbach ne le sait plus lui-même. Venu à Spa pour discuter de pair à pair avec les Alliés, il est convaincu que tous les crimes des armées allemandes sont amnistiés et que le principal objet de la Conférence est la restauration de son pays.

Telles étaient les dispositions de l’Allemagne au moment où on l’a appelée à un débat contradictoire sur le montant des réparations et où pour lui permettre de faire des offres, on a apporté une grave dérogation au traité de Versailles en ravivant le délai de quatre mois qu’avait fixé le protocole du 28 juin 1919 et qui est depuis longtemps expiré. La tactique de l’Allemagne était facile à prévoir et elle a été évidente dès la première rencontre avec les Alliés : recourir à tous les moyens dilatoires, soulever le plus grand nombre possible de questions, préparer au besoin d’autres conférences, chercher sur notre front les points de faible résistance, pénétrer dans les moindres couloirs pour tâcher de les élargir, flatter tour à tour les intérêts de chacune des Puissances coalisées, opposer la force de son unité à l’endettement de nos efforts ; en même temps, se présenter à nous, suivant l’expression de la Gazette de Francfort, comme « écrasée par sa ruine et garrottée par nos prétentions ; » s’accrocher désespérément au livre de M. Keynes, répéter que l’Europe est perdue si l’Allemagne ne se relève pas sans retard, et nous amuser avec de vieilles métaphores comme celles-ci : « Soignez, d’abord, l’arbre, si vous voulez cueillir les fruits. Engraissez notre champ, si vous désirez que nous moissonnions ensemble. Aidez-nous à éteindre l’incendie chez nous, de peur que votre maison ne vienne à brûler. »

Plus longtemps dureront, à Spa ou ailleurs, ces malheureux