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Benjamin Franklin, leur récompense ici-bas! Mais il faudrait, d’abord, que le traité turc devînt une réalité et que les autres questions qu’il pose, nombreuses et pressantes, en Thrace, en Asie Mineure, sur les détroits, fussent définitivement tranchées. Nous sommes, par malheur, encore loin de ce résultat.

Sommes-nous plus près du jour où nous verrons s’exécuter enfin le traité de Versailles? Je le souhaite, sans oser l’espérer. Je crains même, de plus en plus, qu’au traité de Versailles l’Europe ne soit en train de substituer un traité de Spa ou d’ailleurs, qui imposera de nouveaux sacrifices à la France. Avant que M. Millerand partît pour la Belgique, la commission des Finances de la Chambre lui a écrit pour le fortifier dans sa résistance et pour le prier de ne rien abandonner de nos positions. Il apporte à soutenir nos droits toute la puissance de son énergie concentrée. Mais comment ne pas répéter qu’en se rendant à la villa Fraineuse, la France était, par avance, exposée aux plus graves périls?

Sans aucun doute, les Alliés veulent sincèrement maintenir entre eux l’accord le plus étroit. Aucun n’est assez insensé pour s’imaginer qu’il se puisse passer des autres. Tous sentent bien que l’Allemagne les épie et qu’elle mettrait à profil leurs moindres dissentiments. Mais peut-être n’a-t-on pas pris toutes les précautions nécessaires pour affermir cette heureuse volonté d’union. C’est seulement a la veille de la conférence de Spa qu’on a entrepris de régler un problème laissé depuis de longs mois en souffrance, celui de la répartition entre les Alliés de l’indemnité due par l’Allemagne. Depuis qu’au mois de décembre dernier, l’Angleterre et la France avaient décidé de se partager l’ensemble de ce qu’elles toucheraient dans la proportion de 11 pour celle-ci et de 5 pour celle-là, aucun arrangement n’était intervenu avec les autres nations intéressées.

Force a donc été de négocier, à Bruxelles, une entente plus générale. L’opération a été d’autant moins facile que certains de nos alliés gardaient quelque amertume d’avoir été si longtemps tenus à l’écart. Je ne sais si le mécontentement assez excusable de nos amis italiens a influé sur leurs exigences. Elles ont été, en tout cas, très instamment formulées et, avant d’accepter le pourcentage qui leur était offert, ils ont posé diverses conditions impératives. La discussion de; tant de prétentions contraires n’a pas été sans vivacité et, comme à Bruxelles les heures étaient comptées, comme les Allemands étaient convoqués à Spa et qu’on était dans la nécessité d’aboutir rapidement, on s’est contenté, avant de partir, d’un de ces