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richesses de la région en pétrole, et laissé à l’Angleterre la Palestine qui, dans les prévisions de 1916, devait rester internationale. M. Tardieu a répliqué que M. Clemenceau avait eu le même souci que M. Briand de sauvegarder les intérêts de la France en Orient, mais qu’au mois de décembre 1918, il avait eu à négocier avec MM. Wilson et Lloyd George sur une multitude de questions à la fois, qu’au système des deux zones établi par les accords de 1916 avait été substitué un régime nouveau, celui des mandats, dont il avait bien fallu s’accommoder, et qu’enfin une lettre de M. Paul Cambon, en date du 15 mai 1916, ayant réservé à l’Angleterre les concessions antérieures de pétrole à Mossoul et en Mésopotamie, M. Clemenceau avait été obligé de reprendre les pourparlers pour obtenir un droit partiel sur les gisements d’huile minérale. M. Tardieu a, en outre, affirmé qu’au moment où M. Clemenceau a quitté le pouvoir rien d’irrévocable n’avait été fait et que ses successeurs avaient toute liberté d’action. Peut-être comprendra-t-on que je m’abstienne de me mêler à ce débat rétrospectif. Nous sommes, du reste, à une heure où il vaut mieux regarder devant nous qu’en arrière. Ce que je retiens donc le plus volontiers, c’est la promesse très catégorique qu’a faite M. Millerand, de ne rien sacrifier des titres que nous avons en Orient et de ne point abandonner les populations qui se sont fiées à nous.

Au mois de décembre 1912, sir Edward Grey, qui était alors ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement britannique, avait expressément déclaré que l’Angleterre entendait se désintéresser politiquement de la Syrie et il avait reconnu que ce pays devait rester dans la sphère d’influence française. Il serait étrange qu’après une guerre où les Turcs ont pris le parti de nos ennemis et où nous avons fait partout d’immenses sacrifices d’hommes et d’argent, nous en fussions réduits à perdre en Orient nos positions anciennes. Il ne s’agit pas, bien entendu, de faire de la Syrie une colonie nouvelle, ni de nous annexer, à grand prix, des territoires asiatiques. Mais nous ne voulons, ni délaisser de vieilles amitiés, ni consentir à la déchéance de la culture française dans des régions où elle est depuis longtemps prospère. Il n’est pas possible que les divers habitants du Liban et de la Syrie, Maronites, Chaldéens, Araméens, Chananéens, Assyriens, Phéniciens, Arabes, retombent désormais sous la domination turque et, comme la plupart d’entre eux sont plus intimement liés à la France qu’à d’autres nations, c’est à la France que revient tout naturellement le rôle d’éducatrice et de