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exprimé le vœu qu’entre les États nés de l’ancien Empire pussent se former à l’avenir des groupements économiques, capables de remédier en partie aux inconvénients de la dispersion politique ; mais il a rappelé que les négociations du traité s’étaient poursuivies en présence d’idées-forces centrifuges, supérieures à la puissance de tous les raisonnements. Il a montré que l’Autriche, devenant avec la Hongrie, la seule héritière des responsabilités encourues par l’Empire, et les autres États issus de l’ancienne monarchie étant considérés comme les Alliés des vainqueurs, nous avions été amenés, par l’enchaînement des faits, à signer le traité de Saint-Germain avec une petite République, dotée d’une grande capitale et d’un mince territoire, enclose en d’étroites frontières et incapable de vivre avec ses propres ressources. Comme M. Margaine à la Chambre, M. Imbart de La Tour a recommandé la bienveillance envers l’Autriche appauvrie, mais débitrice, et il nous a laissé l’espoir que par-là seraient découragées, les tentatives de rattachement à l’Allemagne. Il a surtout, insista sur la nécessité pour la France d’avoir une politique danubienne, de soutenir les États qui se sont constitués ou agrandis sur les ruines de l’ancienne monarchie et de défendre leur jeune liberté contre les entreprises directes ou déguisées de l’impérialisme germanique.

M. de Lamarzelle a répondu, avec son éloquence accoutumée, qu’en l’étal de faiblesse où on la réduisait, l’Autriche subirait inévitablement, et malgré elle, l’influence allemande; que, dès maintenant, l’attitude de nos alliés rendait illusoires les précautions prises par le traité contre le rattachement; que l’union douanière était une solution bien problématique et, en tout cas, bien lointaine, et qu’au lieu de morceler l’Autriche, on eût mieux fait de briser l’unité de l’Allemagne. M. Chênebenoît a répliqué, en un discours très applaudi, que le pessimisme de M. de Lamarzelle lui semblait un peu négatif et il a demandé que le gouvernement de la République s’opposât à la réunion de l’Autriche et de l’Allemagne, non seulement si la question était jamais soumise, comme le prévoit le traité, à l’arbitrage de la Société des Nations, mais d’avance, par une vigilance continue. Le Président du Conseil a, dans une brève et vigoureuse déclaration, résumé toutes les raisons de voter le traité et mis en lumière l’obligation que nous avions d’assurer l’indépendance à des peuples qui étaient venus à nous aux heures les plus critiques de la guerre, il a précisé que l’Autriche ne pouvait entrer dans la République allemande sans que le Conseil de la Société des Nations