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AU CONSERVATOIRE
CONCOURS DE TRAGÉDIE ET COMÉDIE

Nous avons eu la grande joie, cette année, de retrouver les concours de tragédie et comédie dans l’ancienne salle du Conservatoire. Les motifs qui, depuis plusieurs années, avaient fait abandonner ce cadre traditionnel, étaient déplorables. On prétextait qu’il fallait écarter de ces concours tout cabotinage et leur rendre leur caractère d’exercices scolaires et d’examens. Je crains qu’on ne voulût plutôt leur enlever un peu de leur éclat, au risque de porter une atteinte indirecte à l’enseignement du Conservatoire. C’était le temps où sévissait partout cette manie de nivellement par en bas que viennent de dénoncer en termes si heureux M. Léon Bérard et M. Herriot, aux applaudissements de presque toute la Chambre. Comme on avait supprimé le Concours général, coupable d’être une fête de l’élite, on s’était appliqué à répandre une teinte grisâtre sur le concours de déclamation. Et on y avait parfaitement réussi. Il avait suffi pour cela de le transporter rue de Madrid, où un obscur rez-de-chaussée avait fait office d’éteignoir. Les réclamations vinrent de toutes parts : elles ont enfin été entendues.

Posséder cette merveilleuse salle dont tout le Paris artiste connaît et goûte l’extraordinaire qualité d’acoustique, et ne pas s’en servir, c’était pure absurdité. Et puis elle est pleine d’histoire. C’est sur cette scène aux proportions harmonieuses, c’est dans ce décor pompéien, c’est devant cette terrible loge du jury que toutes nos futures célébrités théâtrales ont connu les premiers feux de la rampe et de la gloire. Pour peu qu’on y ait, comme quelques-uns d’entre nous, un demi-siècle de souvenirs, on y voit flotter tout un peuple d’ombres nobles ou gracieuses et parfois on reconnaît dans l’intonation des