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d’une œuvre bienfaisante entre toutes. M. Jules Meunier, maître de chapelle de la basilique Sainte-Clotilde, l’a fondée et la dirige. De nobles et généreux patronages la soutiennent. Œuvre de charité, de piété, de patriotisme et d’art ; maison familiale et scolaire, où de jeunes orphelins de la guerre sont formés au goût et à la pratique de la musique religieuse. Ils ont bien chanté, ces petits, et ne se sont pas montrés indignes de leurs lointains devanciers. Vous n’êtes pas sans ignorer que, dès le XIVe siècle, le service musical de la « Chapelle du Palais » se partageait, sous la direction d’un chantre, entre les chapelains et les enfants. Les enfants avaient, dans le voisinage, leur maison, ou leur « ostel, » auquel étaient attachés serviteurs et servantes : « un varlet bon et honneste et une chambérière assez ancienne, pour les servir et tenir nettement, comme besoing est à enfants. » Par de vieux documents tout le détail de leurs études et de leur vie journalière, de leurs jeux, de leurs promenades, nous est fourni. L’autre jour, les petits chantrillons, entrant dans la chapelle, ne semblèrent qu’y reprendre leur place. Quelle place ! En quel lieu ! Sous les voûtes légères on se rappelait le mot de Beethoven : « Mon royaume est dans l’air. » A travers les croisées de pierreries, le couchant l’illuminait de tous ses feux, le royaume aérien. Hôtesse quatre fois centenaire de la Sixtine, la messe « du Pape Marcel » trouvait chez nous un asile non moins illustre, non moins sacré, mémorial de notre passé et merveille de notre génie. Nous en évoquions l’histoire, et celle aussi d’autres sanctuaires voisins, également chers à nos cœurs : Notre-Dame, dont le cloître encore inachevé abrita naguère les premiers essais de la musique mesurée ; Saint-Gervais, l’église palestinienne entre toutes, avant toutes les nôtres ; Saint-Gervais, asile de beauté non moins que de prière et par là voué deux fois, sa blessure l’atteste encore, à la rage de nos ennemis. Ainsi tous les souvenirs, toutes les gloires françaises s’unissaient pour accueillir parmi nous le chef-d’œuvre d’Italie et pour lui faire honneur.

Cosi fan tutte, représenté à Vienne le 26 janvier 1790, est l’un des trois derniers opéras de Mozart. « Opera buffa, » que devait suivre, à Prague, le 6 septembre 1791, la Clemenza di Tito, opera seria ; enfin, à Vienne encore, le 30 septembre de la même année, moins de trois mois avant la mort du maître, la Flûte Enchantée (Die Zauberflöle, deutsche oper, opéra allemand). Il y a quelque soixante ans, en des pages admirables d’intelligence et de sensibilité, Taine écrivait de Cosi fan tutte : « Est-ce qu’on peut songer ici à autre