peu que soient des notes pareilles, elles sont caractéristiques, elles le sont avec force, et le caractère est justement ce dont nous paraissent le plus dépourvues les notes innombrables, successives ou simultanées, dont se compose la musique de M. d’Indy. Les notes instrumentales surtout, il les assemble, il les multiplie à l’infini. Maître de son orchestre, il en fait tout ce qu’il veut. Certes, mais beaucoup moins ce que nous voudrions, ce que nous aimerions qu’il en fit. Sans compter que sa maîtrise nous semble, cette fois au moins, bien plutôt instrumentale que vraiment symphonique. Fût-ce dans le grand entracte qui décrit la « Queute de Dieu, » nous avons en vain lâché de saisir premièrement les thèmes ou les motifs, puis la composition et le plan général, les rapports, la suite et le progrès, enfin, tout cet ordre et cet organisme sans lequel il n’est pas de symphonie véritable. Deux ou trois fois, alors que l’on croirait le morceau près de s’achever, il reprend, donnant l’impression d’une musique dont il semble qu’elle ne commence pas, qu’elle ne finit pas non plus, mais qu’elle dure.
N’est-ce pas Carlyle qui disait : « Tout ce qui va profond est chant. » Dans la Légende de saint Christophe, rien, ni personne, ne chante, ce qui s’appelle chanter, les voix peut-être moins, si possible, que les instruments. Encore si la déclamation lyrique, ou prétendue telle, s’accordait avec l’orchestre d’abord, puis avec le sens, avec le sentiment de la parole déclamée. Mais à chaque ligne, à chaque mesure, entre les deux déments, l’un verbal et l’autre musical, l’oreille comme l’esprit ne trouve, au lieu d’harmonie, que discordance et contradiction. Mon, ce n’est point ainsi, même en musique, « ce n’est point ainsi que parle la nature. » Elle répugne à ce langage ardu, haché, tout hérissé d’intonations pénibles, à ces notes qui, loin de répondre aux mots et de les confirmer en quelque sorte, ne font que les contrarier, sinon les démentir.
Difficile est l’audition de Saint-Christophe, et malheureusement la lecture en est presque impossible. La contre-épreuve, après l’épreuve, nous est interdite. Cela n’est pas rare aujourd’hui. Mais cela n’est pas bon. Il est factieux qu’une œuvre musicale ne supporte point la réduction, comme il le serait qu’un tableau ne souffrit pas la gravure. Autrefois, que dis-je, hier encore, les œuvres, les chefs-d’œuvre de la musique, et de toute musique, quatuors, symphonies, opéras, étaient plus accommodants. Ils se laissaient approcher. Sous une forme plus familière et dans un plus simple appareil, ils gardaient assez de beauté pour nous plaire, pour nous ravir encore. Un Saint-