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de la gravitation, d’agir sur les astres voisins uniquement par son rayonnement calorifique et lumineux, la question ne pouvait faire un pas. Il est impossible d’expliquer ces effets par une action de température.

On a songé alors à assimiler le soleil à un aimant gigantesque qui agirait de loin sur la terre, autre aimant. Mais on peut calculer facilement qu’il faudrait que le globe solaire eût une intensité d’aimantation plus de dix mille fois plus grande que l’intensité moyenne de l’aimant terrestre pour produire une variation du magnétisme terrestre sensible à nos appareils. Cela est d’autant plus invraisemblable qu’aux températures élevées la matière perd ses propriétés magnétiques.

Cette hypothèse a été définitivement ruinée par lord Kelvin. L’illustre physicien anglais a fait à ce propos un calcul célèbre. Considérant un orage magnétique donné, d’importance moyenne, il a calculé que la variation d’intensité des divers éléments magnétiques pendant cette perturbation qui dura quelques heures représentait environ 364 fois l’énergie totale du rayonnement solaire. Et il concluait son calcul ainsi : « Dans les huit heures de cet orage magnétique qui fut relativement modéré, il faudrait que le soleil ait produit sous forme d’ondes magnétiques autant d’énergie qu’il en produit régulièrement sous forme de chaleur et de lumière rayonnées, dans l’espace de quatre mois. Ce résultat, me paraît exclure complètement l’hypothèse que les orages magnétiques terrestres sont dus intrinsèquement à une action magnétique directe du soleil, ou à n’importe quelle action dynamique directe de cet astre. »

Et lord Kelvin concluait, non sans mélancolie : « Jusqu’ici tous les efforts faits dans cette direction ont été infructueux. »

Il nous reste à montrer comment ce pas difficile a été franchi, et comment les conquêtes récentes de la science ont pu donner l’explication de cette télépathie magnétique par qui les pulsations lointaine du soleil font frémir le sensible acier de nos boussoles.


Charles Nordmann.