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atteignait 9 degrés. À dater de cette époque, l’aiguille s’y est constamment et d’année en année tournée un peu plus vers l’Ouest, jusque vers 1800. Elle marquait alors 22 degrés de déclinaison occidentale. Depuis, elle n’a pas cessé de revenir lentement vers l’Est, et elle n’est plus actuellement qu’à environ 13 degrés à l’Ouest du méridien géographique.

En outre de cette variation séculaire qui est loin d’être aujourd’hui expliquée d’une manière même approximative, les éléments magnétiques subissent des variations beaucoup plus rapides, des variations à courte période comme on dit, qui ont un puissant intérêt à cause des aperçus étranges qu’ils nous ouvrent sur la physique cosmique, et qui vont nous ramener au cœur même de notre sujet.

Mais avant de pénétrer dans ce curieux labyrinthe, je veux rassurer d’un mot les personnes qui, par un scrupule sinon très relevé, du moins très respectable, — les scrupules sont toujours respectables, — demandent d’abord à propos de n’importe quelle question de science : À quoi tout cela sert-il ?

La direction de l’aiguille aimantée est d’une importance capitale pour la navigation. C’est grâce à la boussole que Christophe Colomb a osé se lancer sur l’Océan sans limite. Il est vrai que, de son temps, les éléments magnétiques étaient mal connus ; car Colomb fut très surpris lorsqu’il constata, le 13 septembre 1492, que l’aiguille de sa boussole, au lieu de pointer vers l’Étoile polaire, s’en écartait vers la gauche d’environ 6 degrés. Le lendemain on constatait, ayant continué à naviguer vers l’Ouest, que la déviation avait encore augmenté. À ses matelots effrayés et qui pensaient que les lois de la nature étaient bouleversées et que la boussole allait perdre son pouvoir mystérieux, Colomb dut prodiguer les paroles rassurantes, et il parvint à les calmer en leur expliquant, ce qui était d’ailleurs inexact, que l’aiguille tournait autour du pôle comme les astres du firmament.

Aujourd’hui, les marins et les explorateurs ne peuvent plus se passer des cartes magnétiques, des boussoles, des compas de route Il n’est pas jusqu’aux arpenteurs, aux « géomètres » du cadastre à qui ces choses ne servent, si j’ose dire, d’outils de chevet. Enfin, la navigation aérienne elle-même y a trouvé un secours indispensable à ses audaces.

Ainsi tout cela sert à quelque chose, et même à beaucoup de choses. J’ajouterai même, rendant un hommage, rarement mérité, à l’utilitarisme, que réciproquement les navigateurs ont été pour