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Car à Metz, — il ne faut pas se lasser de le répéter, — c’était bien de la France vraie, de la France moyenne qu’il s’instruisit, tout comme il l’eût apprise à Bourges, à Toulouse ou à Rennes. Il trouvait à Metz les mêmes problèmes, les mêmes difficultés. Il y trouvait, à l’encontre de l’unité monarchique, les mêmes oppositions et les mêmes résistances, mais aussi, en sa faveur, les mêmes besoins et les mêmes vœux qu’ailleurs.

Quand il est venu se fixer à Metz, il y avait cent ans à peu près que les Trois Evêchés avaient été réintégrés dans la patrie française. De quelle façon cette réintégration s’était produite, Bossuet ne l’a pas ignoré et il le dira plus tard dans son Histoire de France du Dauphin avec une remarquable précision, un juste et modéré sentiment des nuances, une connaissance honorable des sources. Il sait qu’au moment de la paix de Cateau-Cambrésis, le retour des Trois Evêchés à la France s’est fait, en somme, aisément, — par prétention, comme une chose facile, parce que juste, naturelle, et prévue ; — que cette récupération française n’a irrité sérieusement que deux personnages politiques : l’Empereur Charles-Quint et ce margrave Albert de Brandebourg, notre client intermittent et ami fort douteux, qui, comme Bossuet l’observe, voyait avec regret « que les affaires tendaient à la paix, » c’est-à-dire qu’un rapprochement des Princes allemands et de la France ne lui permettrait pas de pêcher en eau trouble. Et Bossuet, — qui semble avoir consulté pour cette époque les négociations de l’évêque Jean de Fresne avec Maurice de Saxo, — sait aussi que, dès 1551, les princes d’Allemagne, décidés à résister « aux pratiques employées par Charles d’Autriche pour faire tomber la Germanie en une bestiale servitude, » ont trouvé bon que « le Seigneur Roi de France s’impatronisât des villes impériales qui n’étaient pas de langue germanique, comme Cambrai, Metz, Toul et Verdun, pourvu que ledit Seigneur se joignit à eux pour défendre la liberté de l’Empire. »

Sur ce rattachement, un siècle presque avait passé, en 1658, quand Bossuet vint à Metz occuper sa stalle de chanoine. Alors la réacclimatation des Trois Evêchés était, dès longtemps, achevée. Déjà sous Henri IV, le bon imprimeur Abraham Fabert, racontant la visite du Roi, nous peint une ville toute française, et toute unie, — catholiques,