Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 58.djvu/394

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

droit, — déclarait l’abbesse mutine. — Il est un juge passionné. Il n’a ni la dignité, ni la suffisance et capacité requises,[1] » Elle n’oublie pas non plus, perfidement, la vieille insinuation qui souvent sur les gens de la Cour portait coup : « Il a voulu se rendre maître lui-même de l’Abbaye… »

Quatre ans plus tard, rien encore n’était fait. L’entêtée procédurière traînait en longueur. En janvier 1668, le Parlement était obligé de la menacer de la saisie de son temporel, si elle ne se décidait à faire juger dans les six mois son appel contre la sentence de Bossuet. La même année, profitant de l’arrivée à Metz d’un nouvel évêque, elle trouvait, pour esquiver la Réforme, une nouvelle finesse : elle renonçait à toute subordination bénédictine, elle se soumettait à la juridiction, contre laquelle elle protestait naguère, de l’ « Ordinaire, » c’est-à-dire de l’évêque, sauf, bien entendu, à la récuser de nouveau, s’il ne payait pas d’indulgence la sujétion qu’elle lui offrait. Et, en effet, le nouveau prélat, Mgr de La Feuillade, ne s’étant pas désisté des exigences de son prédécesseur, dut en venir à l’interdit ordonnance du 17 juin 1679). L’ordonnance restant lettre morte, il fallut l’emploi du bras séculier. En mai 1680, on enferma l’indomptée à Ligny, dans un des couvents d’Ursulines voisins de celui de Jouarre où Bossuet, devenu évêque, devait plus tard retrouver une autre Sainte-Glossinde. Moins inexpugnable pourtant et moins vivace : Jouarre était vaincue (1700) que l’insurrection des nonnes lorraines rebondissait toujours. La coadjutrice remplaçante que le Roi avait donnée en 16S0 à Louise de Foix incarcérée, — Catherine II Texier de Hautefeuille, — ayant quelque peu réussi à « régulariser » sa turbulente maison, avait voulu pousser son succès, et établir des statuts nouveaux. Alors tout se délit. Ce fut la guerre civile, à telles enseignes, dit Claude de Sainte-Marthe, que « les religieuses osèrent fouetter leur Mère à coups de verges. » Peu après, l’une d’elles s’enfuit avec un valet du couvent. L’affaire de Sainte-Glossinde, jugée par Bossuet en 1664, durait encore lorsque, quarante ans après, il mourut.

  1. Floquet, Études, II, 330-332.