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Il y a là de quoi s’étonner. Encore, pour les deux premières qui furent courtes et dont le théâtre était à Paris, on peut admettre, à la rigueur, que Bossuet n’eut guère ni à écrire ni à recevoir de lettres, tout se passant de vive voix. Mais comme cela est invraisemblable pour la troisième !

Les entreprises singulières, l’insubordination de Mme Louise de Foix occupèrent Bossuet au moins un an, probablement davantage. Si cette affaire exigea de lui, en 1663-1664, plusieurs voyages à Metz, elle l’occupa à Paris même, où le tableau, — l’horaire presque, — de sa prédication, si soigneusement établi autrefois par Eugène Gandar, et l’abbé Lebarq puis par les abbés Urbain et Lévesque, nous montre qu’il ne cessa pas de prêcher à Paris en juin, en août, en novembre et décembre 1663, en janvier, en mars, en mai 1664. Ajoutons qu’il n’y avait pas seulement à traiter avec l’abbesse et les religieuses rebelles, mais avec l’évêque de Metz, avec le Chapitre, avec les magistrats, avec la Cour de Rome ou le Nonce à Paris. Comment se fait-il que de toutes ces tractations, forcément écrites, nul papier ne subsiste plus ?

C’est grand dommage. L’affaire était intéressante. Dans sa gravité, elle avait même des côtés comiques auxquels Bossuet, ironique Bourguignon, ne fut pas plus insensible, j’imagine, qu’il ne le fut plus tard aux extravagances de Mme Guyon. Surtout, elle est un exemple, typique autant que possible, des relations de l’Etat et de l’Église séculière avec l’Eglise régulière en plein XVIIe siècle. Cette leçon, que le hasard lui offrait au moment où il s’approchait de plus en plus des grandes affaires, Bossuet ne l’oublia ni comme prédicateur, ni comme directeur spirituel, ni comme évêque. Aussi nous faut-il ici préciser cette « expérience » pour bien entendre son attitude ultérieure dans des actes dont la suite de la Correspondance fait mention.

Ce n’était point un petit couvent obscur et insignifiant que celui de Sainte-Glossinde de Metz, qui couvrait alors une belle portion de terrain entre la ville et la Citadelle, près de l’Esplanade, non loin de la Porte Serpenoise[1]. C’était un des monastères de femmes les plus vieux de France et l’un de ceux

  1. Voir l’Histoire de Metz par les Bénédictins, t. III, p. 268-281.