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l’Allemagne d’aujourd’hui. Il est partout. Il empoisonne tous les programmes, toutes les idées de réforme. Il crée, en particulier, cette abominable hypocrisie qui, oubliant les fautes passées et les écrasantes responsabilités, fait de principes moraux universels une sorte de marchandise commode dont l’Allemagne aurait à se servir pour relever son prestige, son « change moral » dans le monde. Voilà ce qui empêche l’Allemand de se repentir, de voir l’immensité de la faute commise en 1914.

La conséquence logique de cette attitude orgueilleuse, de ces prétentions à l’universalité, bref de ce pangermanisme impénitent, c’est que le mépris à l’égard de l’étranger continue, mépris à l’égard de l’Anglo-Saxon que l’on envie secrètement comme par le passé, tout en l’accusant de basses préoccupa-lions mercantiles, mépris à l’égard du Français dont on n’a pas compris la stoïque résistance et les solides vertus, que l’on juge avec la même ignorance, la même étroitesse, la même haine qu’autrefois. C’est là surtout que nous ne voyons pas la révolution allemande. Il est significatif que, dans une récente protestation, les professeurs de l’Université de Berlin aient solennellement déclaré « qu’ils se détournent avec le plus profond mépris des nations ennemies et mettront tout en œuvre pour transmettre ces sentiments aux nouvelles générations allemandes. » Avec combien de raison M, Nippold déclare-t-il que toute la nation allemande est en train de se vouer artificiellement à un état d’esprit de revanche, au lieu de chercher, par un sincère mea culpa, à s’entendre avec les autres peuples 1 En ce sens, les responsabilités de la nouvelle Allemagne sont aussi graves que celles de l’ancienne.


EDMOND VERMEIL.