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idées et des cœurs. Ils feraient ainsi de la révolution allemande un principe de transformation mondiale.


INSUFFISANCE DE LA RÉFORME MORALE

Il faudra suivre ce mouvement de très près, étudier ces jeunes, afin de savoir quelles sont leurs vraies tendances. Pour l’instant, nous avons à considérer l’ensemble de l’opinion et des idées en cours. Dans la « Welt am Montag » du 4 août, M. O. Nippold disait que la lourde responsabilité encourue par le nouveau régime est dans ce fait qu’il n’a jamais franchement désavoué l’ancien. « On a cru, ajoutait-il, dans les milieux dirigeants, pouvoir se borner à une transformation politique et renoncer à une nouvelle orientation morale. » C’est là un des mots les plus vrais, les plus profonds qui aient été prononcés sur la révolution allemande. La nation allemande, selon M. Nippold, n’éprouve aucun sentiment de repentir au sujet du passé. Toute sa pensée s’absorbe dans l’illusion d’une souffrance injuste. De là cet esprit de protestation qui, nous venons de le voir, est commun à toutes les classes et à tous les partis, qui engendre la haine et l’idée de la revanche sous toutes leurs formes. Sans doute, le traité de paix n’est pas une œuvre parfaite. Mais l’Allemagne devrait, à son égard, avoir une autre attitude que celle de la protestation. Elle devrait comprendre la nécessité d’une dure expiation.

Cette interprétation est exacte, mais incomplète. La conviction d’une souffrance injustement subie ne résume pas toute la mentalité allemande actuelle. Elle n’est que l’un de ses aspects secondaires. Nous inclinons à douter de la révolution allemande. Est-ce parce qu’elle ne réalise pas le socialisme intégral, parce qu’elle laisse la réaction monarchiste gagner en force chaque jour ? Nous doutons d’elle, obstinément, en raison même de cet esprit qui est commun à tous les partis, à toutes les confessions, à tous ceux qui entendent travailler au relèvement du pays, esprit d’orgueil national, conviction enracinée touchant la prétendue mission universelle de l’Allemagne, exaltation de l’organisation allemande.

La cause de notre scepticisme, c’est donc l’esprit pangermaniste, tel que nous le révèle la tradition du XIXe siècle, tel qu’il nous apparaît, sous de multiples aspects, dans