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À ce signal sourd un grand cri s’élance,
Et ce cri retombe et tout est silence.
Plus rien ne bouge, à part quelque rayon changeant
Qui frise une mansarde.

Tout semble appeler un secours urgent,
Un bonheur qui manque, un baiser qui tarde.
L’officier de paix au képi d’argent
Est pâle et regarde…


* * *


C’est en vain qu’un frisson dans l’air nous avertit,
Toujours l’explosion du printemps nous étonne ;
C’est en vain que le canon tonne,
Que la trompette retentit.
Malgré tant d’écussons, de mats et de guirlandes,
Nous n’avions rien prévu : quand les choses sont grandes,
Le rêve en regard est petit.

Voici l’Evénement qui s’engouffre sous l’Arche,
Et passe outre, allongé sur son chemin vermeil,
Fatal dans sa splendeur, rigoureux dans sa marche,
Comme un nouveau soleil.

Rien ne peut arrêter sa tranquille poussée,
Pas plus que la saison quand elle est commencée
Ne revient sur ses pas.
Il est si sûr de lui, si plein de sa pensée,
Que les clameurs du monde, il ne les entend pas.

Tout ce qui n’est pas lui s’efface dans la brume :
Fontaines du Rond-point, Obélisque, drapeaux.
Les trottoirs ne sont plus que deux franges d’écume
Que la vague en montant rejette sans repos.

Nous, c’est sur un balcon, devant la Madeleine,
Que dans sa formidable haleine
D’étendards déployés, de clairons, de fusils,
L’Événement nous a saisis.