Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 58.djvu/324

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’Athènes. Deux années durant, Georges Goyau fut un des pensionnaires du palais Farnèse. Il y poursuivit ses recherches d’archéologie et d’histoire romaines, poussa son Dioclétien ; mais la Rome moderne, avec laquelle il avait pris, deux ans auparavant, un rapide contact, l’intéressait plus vivement encore que la Rome antique. Pour qui sait voir et entendre, en effet, il n’y a pas au monde d’observatoire comparable à celui-là. Et c’est ce que l’excellent M. Geffroy, directeur de l’École, prêchait sans relâche à ses élèves. Un jour, il leur signalait, pour joindre l’exemple au précepte, une remarquable Lettre de Rome qui venait de paraître au Journal des Débats : il ne se doutait guère que l’auteur de cette Lettre anonyme était précisément l’un de ceux qui l’écoutaient, et qu’il s’imaginait enfoui dans ses travaux d’érudition, Georges Goyau en personne. Celui-ci, que sa mère avait accompagné à Rome, avait eu de bonne heure ses entrées au Vatican et chez notre ambassadeur auprès du Saint-Siège, M. Lefebvre de Béhaine. Léon XIII, qui avait deviné la qualité d’âme et de pensée que recouvrait la modestie charmante de ce jeune Français, l’accueillait volontiers, lui prodiguait les encouragements et les conseils. Le cardinal Rampolla s’était pris d’une vive amitié pour lui, et l’on conte, — est-ce une légende ? — qu’il arrivait au futur auteur de l’Allemagne religieuse de se présenter en pantoufles chez l’illustre secrétaire d’État. Plus tard, Georges Goyau, mettant à profit les admirables travaux historiques du cardinal, devait écrire sur Sainte Mélanie un petit livre solide et charmant, que le grand public non seulement religieux, mais profane, a très chaleureusement accueilli. Nul doute, en tout cas, qu’au contact de ce monde romain, si souple et si habile, l’esprit de finesse et de diplomatie, qu’il avait inné, ne se soit aiguisé encore et développé en lui. À ceux qui ont quelque tendance à trop vivre dans les livres, la connaissance et le maniement des hommes apportent toujours le plus heureux des correctifs.

Eugène-Melchior de Vogué avait été très frappé des Lettres romaines qu’il avait portées lui-même aux Débats. Avec cette chaleur d’intuition et de sympathie qui le caractérisait, il avait deviné dans ces pages une personnalité de tout premier plan. Il voulut en connaître directement l’auteur. Se trouvant à Rome, il lui arriva de décliner une invitation au palais Farnèse pour dîner en tête à tête avec Georges Goyau. D’affectueuses