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l’intention première de les utiliser dans un secteur de la Piave, qui était même déjà déterminé.

L’emplacement de ce secteur avait été d’abord prévu le long de la Piave, parce qu’il ne paraissait déjà pas possible au général Cadorna d’arrêter la retraite avant le cours de ce fleuve. Mais s’il lui avait paru possible, au contraire, ou bien de l’arrêter avant, ou bien même de la ralentir assez sur le Tagliamento pour donner le temps aux renforts français et anglais de débarquer, alors nul doute que le général Foch ne se fût prêté à l’intervention de l’armée française sur le front, quel qu’il fût, où l’armée italienne se fût établie. Le front de résistance définitive n’apparaissait pas nécessairement au général Foch ; quand il arriva à Trévise, comme devant être fixé aussi en arrière qu’à la Piave. Même après sa première conférence avec le général Cadorna, il n’était pas pleinement convaincu que la retraite ne put être arrêtée avant. « Dès mon arrivée ce matin 30, à sept heures, télégraphiait-il alors au ministre de la Guerre, j’ai vu le général Cadorna, qui m’a exposé la situation. Le repli sur le Tagliamento s’achève, et le général Cadorna a prescrit d’y résister, mais ne parait pas y compter beaucoup, car il a les yeux tournés vers la Piave. Nous tâcherons de prolonger cette résistance sur le Tagliamento et de la rendre définitive, si possible. »

Ainsi, loin d’avoir, comme on l’en accuse, douté de la possibilité de résister définitivement sur la Piave et conseillé de n’arrêter l’invasion que derrière la ligne du Pô et du Mincio, le général Foch a d’abord considéré comme possible de tenir sur le Tagliamento.

Le lendemain, 31 octobre, arrive à Trévise le général Robertson, chef de l’État-major impérial britannique. Le gouvernement anglais suivant l’exemple du nôtre, a décidé, lui aussi, l’envoi de renforts sur le front italien ; il prélève immédiatement sur le front de France deux divisions, dont le transport a été aussitôt entrepris. Le général Robertson vient, comme le général Foch, déterminer sur place l’emploi de ces contingents, se rendre compte par lui-même de l’état des choses et apporter à l’allié malheureux aide et réconfort. Arrivé à 11 heures du matin, il est en conférence, à midi, avec le général Cadorna et le général Foch ; à deux heures, avec le général Foch seul ; à quatre heures, de nouveau avec ses collègues italien et français.