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M. Lloyd George et M. Millerand ont maintenant appris à se connaître et à s’estimer Ils peuvent beaucoup l’un et l’autre pour achever de remettre dans la voie normale la politique des deux pays.

Nous devons également nous féliciter que la Belgique et l’Italie aient été représentées à Boulogne. On a enfin renoncé à la choquante habitude qu’on avait prise d’exclure du Conseil suprême notre voisine et alliée du Nord-est, sous l’incroyable prétexte qu’elle avait une trop faible superficie territoriale pour siéger à côté des grandes Puissances; et l’on n’a pas non plus renouvelé la faute, qui avait été commise à Hythe, de ne pas faire participer l’Italie à des discussions sur l’application du traité. C’est déjà trop que ces discussions se déroulent, par la force des choses, en dehors des États-Unis; et, soit dit en passant, ce grave inconvénient lui-même eût été évité, si les gouvernements avaient laissé aux Commissions instituées par le traité, Commissions des Réparations et Commissions interalliées de contrôle, le soin d’assurer, sous la direction des ministres, l’exécution des engagements-de l’Allemagne; l’Amérique est, en effet, représentée dans toutes ces Commissions par des délégués officieux, dont beaucoup sont des hommes très remarquables; et nous avions ainsi l’avantage de nous acheminer, en compagnie d’Américains, vers le jour où, après l’élection présidentielle, les États-Unis prendront définitivement parti sur les conditions de paix Je sais bien que le gouvernement français tient soigneusement le Président Wilson au courant de tout ce qui se passe. Ce n’est pas cependant la même chose que de délibérer directement entre Alliés, dans les Commissions dont l’Amérique ne s’est pas retirée.

Quant à l’Italie, nous sommes tout prêts à oublier les déceptions que nous a causées, en ces derniers mois, la politique adoptée par M. Nitti vis-à-vis de la France, dans la grave question de nos dommages de guerre. M. Nitti sort de la scène; ce n’est pas le moment de le poursuivre de nos reproches. M. Giolitti se retrouve, à soixante-huit ans, premier ministre pour la cinquième fois; ce n’est pas le moment de reparler de son rôle en 1914 et 1915, ni d’évoquer le spectre du parecchio. Gardons seulement le souvenir d’un réel service qu’il a rendu aux Alliés, en décembre 1914, plusieurs mois avant que l’Italie eût décidé de sortir de la neutralité pour se ranger aux côtés de l’Angleterre et de la France. À cette date, M. Giolitti a révélé à la Chambre de Montecitorio les propositions secrètes que l’Autriche avait faites, dès 1913, en vue d’attaquer la Serbie, et la tentative à laquelle elle s’était livrée auprès de l’Italie pour tâcher