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reconstruisit constamment du matériel de guerre et qu’au lendemain du jour où les Alliés interrompaient une fabrication et détruisaient un outillage, le travail recommençait secrètement dans d’autres usines. Il a ajouté que, pour obtenir la diminution des effectifs, nous avions à lutter continuellement contre les chicanes les plus misérables. Que sera-ce, lorsque nos commissions de contrôle auront rempli le mandat temporaire qu’elles tiennent des articles 203 et suivants du traité? Que sera-ce lorsque seule, la Société des Nations, avec des moyens d’action à peu près nuls, sera chargée de surveiller les armements? Ce n’est pas demain, c’est aujourd’hui que nous devons enlever des mains de l’Allemagne les armes qu’elle garde dans une intention suspecte. Déjà, les articles 160 et 163 du traité lui faisaient un devoir de ramener, avant le 30 mars dernier, les effectifs au chiffre de cent mille hommes. À force d’équivoques, elle a arraché aux Alliés une concession très regrettable, dont j’ai plusieurs fois dénoncé le péril, et la date d’exécution a été reculée jusqu’au 31 juillet. Comme il s’y fallait attendre, voici maintenant que les Allemands veulent proroger jusqu’au 10 octobre l’autorisation qui leur a été donnée de conserver deux cent mille hommes sous les drapeaux : et cela, comme le démontrait naguère M. l’amiral Degouy, avec l’arrière-pensée certaine de jeter la Prusse dans le dos de la Pologne. Tout nouvel ajournement serait, de la part des Alliés, la marque d’une faiblesse impardonnable et la cause de périls grandissants. Oserai-je dire que le ministre, après avoir courtoisement reproché à M. Jean Fabry son excès d’optimisme, est, sur un point, tombé, à son tour, dans le même défaut? Il a dit que notre expédition sur Francfort, si brève qu’elle eût été, avait eu pour effet de faire passer les livraisons mensuelles de charbon par l’Allemagne de 591 000 tonnes, chiffre d’avril, à 861 000 tonnes, chiffre de mai. Mais n’oublions pas que, le 24 juillet 1919, von Lersner écrivait, officiellement que l’Allemagne était, dès alors, en état de livrer 18 millions de tonnes par an et qu’elle pourrait bientôt en expédier 20 millions. N’oublions pas surtout qu’aux termes des paragraphes 2 et suivants de l’annexe V, l’Allemagne doit envoyer à la France, pendant dix ans, sept millions de tonnes de charbon par an, à la Belgique pendant le même laps de temps, huit millions de tonnes, à l’Italie et au Luxembourg, des quantités variables, et qu’en outre, dans le même délai de dix ans, elle doit remettre à la France, jusqu’à concurrence de vingt, puis de huit millions de tonnes par an, tout le tonnage nécessaire pour remplacer la production du Nord et du Pas-de-Calais. Avec une expédition