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dans une question aussi grave, la voix de la prudence et de la raison. Mais personne ne saurait se dissimuler que la tentation sera grande pour tout le monde de ne pas prolonger, sur le premier ou sur le second palier, des stations provisoires et qu’on arrivera tôt ou tard au bas de l’escalier. Il faut même souhaiter, pour la prospérité économique du pays, qu’un contingent français et indigène de deux cent quarante ou deux cent cinquante mille hommes puisse être rapidement considéré comme suffisant à maintenir notre sécurité et que le service d’un an, complété par une solide organisation des cadres, et par des rengagements, devienne, assez vite, notre régime normal. Pour rapprocher la date où nous atteindrons cet heureux résultat, nous avons à prendre, sans délai, quelques mesures préliminaires et quelques précautions.

Hâtons-nous, d’abord, de constituer fortement notre armée africaine et indigène. M. André Lefèvre a fait justice des impostures que l’Allemagne a dirigées, en ces dernières semaines, contre nos régiments noirs. Il convient de l’en remercier. Tous ceux qui, pendant la guerre, ont vu ces braves gens d’un peu près vous diront quelles inépuisables ressources de courage et de dévouement discipliné il est possible de découvrir en ces natures simples et robustes. Mais l’Allemagne sait ce qu’elle fait. A la campagne contre les noirs succédera la campagne contre les marocains, puis contre les algériens et les tunisiens, et peu à peu le Reich émettra la prétention de nous amener à ne laisser en Rhénanie que des contingents métropolitains. Il cherchera alors à troubler l’opinion française en insinuant que, si nous réduisions l’occupation, nous pourrions immédiatement réduire le service, et il travaillera secrètement pour que nous nous dépouillions nous-mêmes du seul gage dont nous soyons détenteurs. Quel espoir nous restera-t-il ensuite d’obtenir l’exécution du traité et le règlement de notre créance? Opposons-nous donc, dès le début, à cette manœuvre allemande et n’admettons pas que le Reich ait l’audace, de vouloir choisir entre les troupes d’occupation.

Et puis, surtout, veillons à ce que cesse enfin la comédie dont nos Commissions militaires de désarmement sont, depuis de trop longs mois, les témoins impuissants. Comment ne pas revenir toujours à ce Delenda Carthago? Tout le sort du monde en dépend. Un des plus vaillants blessés de la guerre, M. Jean Fahry, a parlé, l’autre jour, de l’Allemagne, comme si elle était dorénavant presque inoffensive. Le ministre n’a eu, pour souffler sur ces illusions, qu’à indiquer des faits et des chiffres. Il a déclaré à la Chambre que l’Allemagne