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désolation des ruines. Et certes, lorsque repassent sous nos yeux ces tableaux d’une société purulente, nous en apercevons involontairement un mauvais reflet dans certains spectacles qui s’offrent encore à nous; et quand Mallet du Pan écrit : « Tel ne sait pas comment il dînera demain, qui aujourd’hui dépense dix francs à prendre une glace, » il nous parait avoir dépeint, plus de cent vingt ans à l’avance, l’imprévoyance et la joie de vivre où s’étourdissent de nos jours, comme à la veille de brumaire, quelques figurants des mascarades parisiennes.

Mais à qui cette écume légère peut-elle cacher la profondeur et la pureté de l’esprit national? Allez voir, jusque dans les régions dévastées, ces vastes superficies emblavées où achèvent de mûrir les moissons de demain ; allez voir dans les usines les ouvriers qui ont résisté aux suggestions de la grève et qui vaquent sans bruit à leur ouvrage quotidien ; vous surprendrez la France en plein travail de Résurrection. Nous n’avons, en ce moment, à redouter la comparaison avec aucun autre peuple ; il n’en est pas un seul dont la santé soit plus robuste que la nôtre : aucun des symptômes inquiétants qui se révèlent chez les mieux portants d’entre eux ne se manifeste dans notre pays. Jetons les regards autour de nous : en Irlande, de la Chaussée des géants au cap Clear, — en Europe centrale, de la Mer du nord aux Alpes bavaroises et de la mer Baltique à la Sibérie, — au Sud, du golfe de Trieste à la pointe de Calabre, — à l’Orient, du golfe de Finlande à la Caspienne, partout, la terre est comme agitée de secousses sismiques et le sol de France est presque le seul qui ne soit pas ébranlé. Profitons de cette heureuse tranquillité pour rétablir sur des assises solides notre demeure nationale.

En restaurant les finances, les Chambres ont commencé par le commencement, mais quelle vaste besogne s’offre encore à notre activité! La discussion du budget des dépenses a déjà permis d’entrevoir quelques-unes des réformes et des simplifications dont la nécessité s’impose dans nos administrations publiques. Elle a également montré combien il est urgent d’accorder enfin notre organisation militaire avec la situation nouvelle créée, non seulement par la guerre et la victoire, mais hélas ! par les difficultés survenues dans l’application du traité. Sur la question de l’armement, sur celle des cadres, sur celle des effectifs, sur la durée du service militaire, de très intéressantes observations ont été échangées entre le général de Castelnau, Président de la commission de l’armée, M. Raiberti, Président de la commission des Finances, M. Henry Paté, rapporteur,