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volonté d’imposer des économies, il est à craindre qu’elles ne s’imaginent parfois les avoir définitivement réalisées, en opérant d’autorité certaines réductions de crédits. Illusions d’un jour que dissipent bientôt ces « trains » de crédits supplémentaires, dont l’horaire impitoyable demeure le même dans la diversité des temps. Mieux vaudrait donc conserver, pour faire face à ces retours offensifs de dépenses budgétaires, l’heureuse provision de ressources que nous apportent les plus-values. J’ai connu des époques où le Parlement s’est vite repenti d’avoir équilibré le budget sur le vu des derniers encaissements, au lieu de s’en tenir à la règle, antique et tutélaire, de la pénultième année. Mais trop d’exigence n’irait pas, en ce moment, sans mauvaise grâce. Dans son ensemble, l’œuvre accomplie par les deux Chambres aura mérité les plus grands éloges et, de ces longs et remarquables débats, sera sortie, pour les finances françaises, une certitude d’assainissement très prochain.

Je ne sais si à l’extérieur et en particulier chez les nations amies, on se rend suffisamment compte de tout ce qu’a déjà fait la France pour hâter sa renaissance financière, politique et sociale. Si les autres peuples voulaient bien se rappeler les chiffres officiels que citait, ces jours-ci, à la Sorbonne, le maréchal Foch, s’ils avaient toujours présent à l’esprit le nombre de nos morts et de nos mutilés, s’ils mesuraient la formidable diminution que ces perles douloureuses indigent à notre capacité de travail, ils ne manqueraient pas d’admirer notre pays dans la paix comme ils l’ont admiré dans la guerre. Le malheur est que la plupart des étrangers continuent à nous juger sur de fausses apparences, que nous ne cherchons pas toujours à dissiper nous-mêmes et dont nous sommes trop souvent les victimes volontaires. Il semble que nous prenions à tâche de nous représenter au monde sous les couleurs les plus noires. Notre pensée paraît obsédée par des comparaisons trompeuses entre la France du Directoire et celle d’aujourd’hui. Nous nous complaisons à des clichés qui nous troublent la vue, nous relisons quelques belles pages d’Albert Vandal et nous croyons retrouver autour de nous l’état économique et social qui a suivi la Terreur et les guerres de la Révolution, la gêne des petits rentiers, l’importance des financiers et des fournisseurs, l’insolence de ceux qu’un rapport de Malmesbury appelait déjà le parti des nouveaux riches, le luxe dévergondé à côté de la misère noire, le manque du nécessaire et la course au superflu, l’enivrement des danses et la folie d’une trépidation continue, bref une immense foire au plaisir installée dans la