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des impôts équivalents aux nôtres, aura amplement de quoi s’acquitter vis-à-vis de nous. M. Keynes, dans une préface qu’il vient d’écrire pour la traduction française de son livre, déclare que les événements qui se sont succédé depuis qu’il l’a écrit, l’ont convaincu que les évaluations qu’il a données des ressources de l’Allemagne, loin d’être trop faibles, sont probablement trop élevées. Nous espérons avoir démontré le contraire : l’auteur anglais a singulièrement méconnu les forces économiques de nos ennemis. Il les a méconnues au point de vue absolu et surtout au point de vue relatif. Il n’a établi de comparaison ni entre l’agriculture ni entre l’industrie des Allemands et celles des Alliés et de la France en particulier. Il n’a pas analysé le système fiscal des Puissances dont il s’agit de faciliter le retour à une vie normale. Il n’a pas mis en regard les unes des autres les pertes en hommes, plus cruelles, en quantité et en qualité, chez nous que chez aucun autre des belligérants.

La Commission des Réparations n’a donc qu’à poursuivre son œuvre et à faire exécuter le traité de Versailles. Qu’elle accélère tout d’abord les règlements en nature, en commentant par le charbon. Qu’elle exige la remise totale des 100 milliards de marks or de bons, qui n’imposent à l’Allemagne qu’une charge annuelle très inférieure à ses capacités de paiement. Qu’elle achève avant le 1er mars 1921, la détermination du montant dû par l’Allemagne. Qu’elle précise le mode de paiement de cette somme. Quand l’Allemagne connaîtra le total de sa dette, que chacun des Alliés pourra faire état des versements qui lui seront garantis, un premier et grand pas aura été accompli dans la voie qui doit nous ramener à l’ère des budgets en équilibre et des finances normales. Plus nous étudions les clauses du pacte du 28 juin 1919, plus nous examinons la situation respective de ceux qui l’ont signé, et plus nous croyons avoir le droit de proclamer, en terminant notre travail, que le titre que nous lui avons donné est l’expression même de la vérité : « La Juste Paix. » A peine juste pour les vainqueurs, à qui elle n’assure qu’une partie des sommes dépensées et à dépenser par eux ; juste vis-à-vis des vaincus, à qui elle n’impose que des sacrifices qui ne dépassent pas leurs forces.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.