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Les pages qui précèdent fournissant des points de comparaison d’après lesquels il est possible de faire une première évaluation des facultés contributives de l’Allemagne. Mais celles-ci ne peuvent être mathématiquement déterminées à l’avance. De même que pendant les dernières années du XIXe siècle et les premières du XXe, la puissance économique de nos ennemis avait grandi à une allure extraordinairement rapide, de même il est vraisemblable que, dans l’avenir, leur fécondité et leur esprit de travail aidant, ils reprendront cette marche en avant dans la voie du progrès industriel et agricole, où ils étaient si énergiquement entrés.

Si, en l’année 1888, au moment où Guillaume II montait sur le trône, un économiste prophétisant eût énoncé les chiffres de la production de l’Allemagne de 1913, on l’eût traité de visionnaire. De même aujourd’hui celui qui prédirait la facilité croissante avec laquelle ce pays pourra faire face à l’annuité destinée à éteindre en une période déterminée le capital de la dette des Empires centraux et de leurs ex-alliés vis-à-vis de nous, étonnerait beaucoup de ses auditeurs. Il est cependant probable qu’il aurait parfaitement raison. On a effrayé les imaginations timides par le chiffre des centaines de milliards auxquelles s’élèvent les dommages causés aux Alliés, comme s’il s’agissait de transférer d’un seul coup un trésor métallique de cette importance du patrimoine des vaincus dans celui des vainqueurs. Le problème ne se pose pas ainsi. Il ne s’agit pas pour les Allemands de verser cette somme en une fois ; nous ne leur demandons que de s’en reconnaître débiteurs, et nous leur donnons ensuite un délai suffisant pour en régler l’intérêt et l’amortissement.

L’erreur fondamentale de M. Keynes et des trop nombreux lecteurs que ses développements ont égarés, a consisté à ne voir qu’un côté du problème et à ne jamais établir de parallèle entre les charges de l’Allemagne et celles des Alliés. Il a constamment raisonné comme si, dans le monde de demain, la première allait avoir à soutenir la concurrence de peuples libres de toute dette, ne payant que peu ou pas d’impôts, se retrouvant, par un coup de baguette magique, en possession de leurs moyens d’action d’avant-guerre. C’est le contraire de la vérité. En ce qui nous concerne, nous Français, nous avons montré l’effort financier que nous accomplissons en ce moment même, et nous ne cesserons de répéter que l’Allemagne, en se bornant à établir