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l’indépendance du peuple et de l’Empire allemands. Tout le volume roule sur cette thèse, que la puissance navale allemande ne peut se développer pleinement qu’en ayant à sa disposition la côte belge, et conclut que, du moment où il en est ainsi, aucune discussion ne saurait s’élever sur la légitimité de cette annexion. L’Allemagne a besoin d’établir sa suprématie ; celle-ci a pour condition l’empire des mers, lequel ne peut s’établir que s’il a sa base dans la métropole ; les ports actuels de l’Allemagne sont insuffisants : elle prolongera donc son littoral jusqu’à Ostende et Zeebrugge. Les raisonnements s’enchaînent avec une naïveté déconcertante ; le point de départ en est toujours le même : l’Allemagne prendra, en Europe et ailleurs, tout ce qui est de nature à assurer son hégémonie.

Pendant que le fougueux Reventlow publiait volume sur volume afin d’entretenir chez ses compatriotes l’ardente volonté de ce qu’il appelait les conquêtes indispensables, d’autres pangermanistes dressaient des statistiques destinées à les impressionner en leur montrant les conséquences de la paix, si elle ne se taisait pas selon les exigences de l’Empereur et de ses généraux. L’une des plus curieuses élucubrations de ce genre a paru en 1918 sous le titre de Deutschlands Lage beim Friede (la situation de l’Allemagne lors de la paix) ; elle critique vivement la note du pape du 1er août 1917, dans laquelle le Souverain Pontife demandait l’évacuation de la Belgique et des territoires français occupés. Le passage le plus intéressant de cette brochure est celui où elle établit le bilan de ce que serait la fortune publique, un an après la paix, dans les diverses hypothèses envisagées. Au cas où les Alliés seraient vainqueurs, l’auteur admet que l’Allemagne aurait à leur rembourser leurs frais de guerre à raison de 320 milliards de francs et les dommages causés à la France, l’Angleterre, la Belgique et la Russie à raison de 54 milliards Voilà le chiffre auquel nos ennemis eux-mêmes s’attendaient à être taxés ! Ils savent aussi bien que nous que la somme des dommages s’est accrue depuis lors dans une proportion énorme. Leurs propres aveux font ressortir la modération du traité de Versailles. Il n’y a aucune espèce de comparaison à établir entre ce qu’il leur demande et ce qu’ils auraient exigé de nous.

Un des livres les plus caractéristiques de la mentalité allemande a paru à Leipzig en 1918 sous la signature de Kurd von Strautz et le titre de : Le but de guerre de notre peuple (Unser