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stipulations avec celles du traité de Versailles ? L’Allemagne, dont le territoire était inviolé, demandait non pas la réparation de dommages subis, mais le remboursement, avec usure, de tout ce qu’elle avait dépensé pour la guerre. Ce n’était pas le retour à l’Empire de populations fidèles qu’elle réclamait ; elle s’annexait brutalement les territoires dont elle prétendait avoir besoin au point de vue militaire, sans se soucier le moins du monde de la volonté des habitants. Quant aux relations futures avec ses ennemis, elle ne daignait même pas s’en occuper : « Tout s’arrangera, écrivait M. de Roon ; réalisons seulement notre programme. »

Bien d’autres articles de paix ont été élaborés, au cours de la guerre, de l’autre côté du Rhin ; l’imagination des pangermanistes s’est abondamment exercée sur la gamme des clauses qu’ils se préparaient à nous imposer. Dès 1914, le fameux comte Bernstorff, ambassadeur à Washington, en énumérait un certain nombre, telles que la cession à l’Allemagne de toutes les colonies françaises, de toute la France du Nord-Est, la suppression de tous droits d’entrée en France sur les marchandises allemandes, tandis que l’Allemagne conserverait pleine liberté de frapper les marchandises françaises, la renonciation de la France au service militaire obligatoire, la destruction de toutes les forteresses françaises, l’octroi de droits spéciaux aux brevets allemands en France, la renonciation par la France à toute alliance avec la Russie et la Grande-Bretagne, l’adhésion de la France à une alliance de 25 ans avec l’Allemagne.

Mais nous nous sommes promis de ne pas discuter ici de clauses politiques. Nous nous sommes volontairement cantonnés sur le terrain économique. Nous en avons assez dit pour faire éclater la différence entre ce qui s’est fait à cet égard à Versailles et ce que proposaient nos ennemis. Ce n’est pas eux qui, en cas de victoire, eussent inscrit des articles stipulant que le vainqueur devra se rendre compte de la capacité de paiement du vaincu, avant d’exiger de lui certains paiements. Non seulement ils n’auraient songé à rien de semblable, mais ils auraient dicté des conditions draconiennes, avec le secret espoir qu’elles ne seraient pas exécutables et que, par conséquent, les gages accordés eussent été retenus par eux ; et ils auraient su prendre des gages précieux et suffisants.

La question de savoir comment ils se feraient payer, en cas