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discussion au sein du Conseil suprême. Mais cet argument se retournait, dans cette affaire, contre la Hollande. Nous avons vu qu’il existe de bien fortes présomptions en faveur du désir des « cédés » de 1839 d’être rattachés de nouveau à la Belgique.

Pensa-t-on que la réparation d’une injustice qui durait depuis quatre-vingts ans n’était plus suffisamment justifiée et qu’il y avait prescription ? Mais, pour la restitution de la Posnanie à la Pologne, n’était-on pas dans le même cas ? A la vérité, le Conseil suprême, quels que pussent être les sentiments intimes de deux de ses membres à l’égard des Polonais, se trouvait engagé dans la voie de la restauration de l’ancienne république de l’Aigle blanc par les déclarations des trois empires co-partageants eux-mêmes ; et d’ailleurs, dès le 7 novembre 1918, les Posnaniens s’étaient soulevés victorieusement.

Quoi qu’il en soit ; tout en écartant, s’il la jugeait incompatible avec ses principes directeurs, l’idée de la compensation germano-hollandaise, le Conseil suprême pouvait déclarer qu’il n’en était pas moins attaché aux termes des conclusions qu’il avait adoptées à l’unanimité, répétons-le, le 8 mars 1919, conclusions qui tendaient à « libérer la Belgique de la limitation de souveraineté qui lui a été imposée par les traités de 1839… » Cette déclaration eût certainement suffi pour incliner le conseil des ministres des Affaires étrangères et la commission des XIV à des propositions favorables à la cause belge.

Je faisais allusion tout à l’heure à l’état d’esprit de certains milieux politiques et religieux chez nos Alliés et Associés, état d’esprit qui ne les disposait pas, dès l’année dernière, et ne les dispose pas davantage en ce moment en faveur de la Belgique, ni d’ailleurs, à certains égards, en faveur de la France, qu’ils aperçoivent toujours derrière la Belgique.

Quelques-uns de mes lecteurs seront peut-être surpris qu’à l’épithète de politique j’aie accolé celle de religieux. Si délicate que soit la question qui se présente ici, on me pardonnera de croire qu’il soit possible de la traiter avec la plus sincère objectivité.

Or, quand on observe avec quelque attention, quelque réflexion aussi, ce qui se passe depuis dix-huit mois, il est difficile de se soustraire à la pensée que cette paix si laborieusement édifiée et d’ailleurs si incertaine encore, dans son fond, que cette paix, dis-je, qualifiée déjà de « paix anglo-saxonne, » mériterait