Toutefois, ce que Descôteaux n’avait jamais vu, ne reverrait peut-être jamais, qui tenait de la féerie, du prodige et ne pouvait être comparé à rien, ce fut l’entrée tapageuse, bruyante de faste et d’élégance, que Mme la duchesse du Maine, flanquée de son mari à droite, de Mlle d’Enghien à gauche, sa petite chienne Jonquille jappant sur ses talons, fit en l’église de Châtenay.
A peine Mme la duchesse du Maine, toujours « vive et entreprenante, » comme Mme de Caylus l’a peinte, eut-elle passé le porche et gagné sa place au-devant de l’autel qu’à sa manière impérieuse de sourire ou de parler, de donner des ordres ou de frapper de sa canne à pomme d’or comme un Suisse, on vit bien qu’elle était cette petite-fille du Grand Condé faite pour l’agitation et le commandement. C’était, à ses côtés, un gentilhomme bien résigné que son époux. Plus petit que grand, la jambe contrefaite, une physionomie poupine, douce, enfouie plus qu’à moitié dans les flots d’une grande perruque à la Louis XIV, une épée enfantine lui pendant le long du corps, il donnait l’impression de l’effacement et de la faiblesse. A vrai dire, le plus prince des deux, c’était elle, et l’on ne pouvait les voir l’un à côté de l’autre, elle dominatrice, lui respectueux, sans penser, avec Saint-Simon, que l’ « ascendant qu’elle avait sur lui était incroyable, » et que, quoi qu’elle ordonnât, fût-ce tout ce qu’il y avait de plus absurde et de plus fou, il était prêt à obéir.
Picola si, fà mà pur gravi le ferite, « je suis petite, il est vrai, mais je fais de profondes blessures. » Cette devise était tirée de l’Aminte du Tasse et, le jour où Mme la duchesse du Maine avait institué à Sceaux cet ordre de la Mouche à miel, dont M. de Malézieu était le grand-maitre, elle avait adopté cette devise pour elle. Le fait est que Mme du Maine, toute vêtue de cette fameuse robe de satin vert qui lui allait le mieux du monde, semblait, dans cette bourdonnante ruche de Sceaux, une reine véritable. Mais, de la reine des mouches à miel, Louise-Anne-Bénédicte avait bien aussi l’humeur, la mobilité et les contrastes. « Elle se courrouce et s’afflige, s’apaise et s’emporte vingt fois en un quart d’heure, » a dit d’elle Mme de Staal ; et « comme elle parle avec éloquence mais avec trop de véhémence et de prolixité, » Descôteaux qui savait, comme amateur de fleurs, ce qu’il en est des abeilles, voyait bien aussi que c’était une abeille