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Malézieu était écouté, consulté, obéi comme une sorte d’oracle.

M. de Malézieu, arbitre dans les choses du théâtre autant que dans celles de la chorégraphie et de la musique, assurait-il que le sieur Allard sautait bien, qu’il n’y avait personne qui passât Pécourt pour la danse ou Descôteaux pour l’adresse à jouer de la flûte, aussitôt voilà Descôteaux, Pécourt et le sieur Allard devenus des prodiges, des phénix, des merveilles qu’il était de bon ton d’avoir entendus et vus.

A une époque où il n’y avait rien de plus charmant que Sceaux,


Sceaux, ce beau vallon,
Que nous a vanté la fable[1],


M. de Malézieu, dont l’âme était pastorale, songeait que ce serait une belle chose d’emprunter ce cadre exquis, cette belle vue, enfin tout le fond des jardins et des bois si délicieux, tant de Châtenay où était sa maison que de Sceaux où était celle du duc et de la duchesse du Maine, pour y produire quelque fête inouïe, quelque divertissement admirable, enfin l’un de ces spectacles dont le Roi à Saint -Germain ou à Versailles, feu M. le Prince à Chantilly avaient été, depuis Fouquet, les seuls peut-être à étaler le faste, à oser la dépense.

Ah ! la belle entrée de ballet que cela ferait, le jour où le carrosse de Mme la duchesse du Maine, après avoir quitté Sceaux par l’allée royale, contourné les « quarreaux » de fleurs et suivi le grand canal, arriverait à Châtenay devant la maison de M. de Malézieu et que, confondus à des bergers et à des bergères, MM. Foreroy et Descôteaux, tous deux musettes et hautbois de la chambre du Roi, salueraient du bruit de leurs pipeaux cette princesse auguste !

M. de Malézieu n’eut pas plutôt conçu ce projet qu’il chercha à le mettre à exécution et que, puisant à la fois dans Philémon et Baucis, l’idylle de La Fontaine, et dans l’Amour médecin de Molière, il composa un divertissement dont il ne restait plus, pour en ménager le spectacle au duc et à la duchesse, que d’en adapter le jeu à quelque prétexte. Il se trouva qu’à ce moment, Nicolas II de Malézieu, frère puîné de l’Intendant, prêtre et futur évêque de Lavaur, venait d’arriver à Châtenay. Il n’en fallait pas plus au Curé pour imaginer tout un cérémonial à

  1. Chaulieu.