répondait pas toujours de façon suivie. Au reste, depuis un moment déjà, ce n’était plus que confusion autour de la table, tant par Chapelle qui s’était arrogé le gouvernement des bouteilles que par Molière lui-même, occupé de s’escrimer et de pousser sa tierce, à la façon de M. Jourdain, contre une volaille rebelle et de chair difficile.
Assis vis-à-vis le maître de l’endroit, Gâches le flanquant à droite, le petit Baron à gauche, le bonhomme La Fontaine, le deux fablier, satisfait de voir tant de personnages se « ruer en cuisine, » ne savait trop qu’admirer le plus volontiers de la belle vaisselle plate que Molière avait gagnée avec l’argent de la Comédie et dans laquelle on le servait, de l’aile de poulet qui y vint prendre place ou de la diversité de tous les liquides groupés sur le vaisselier à la façon de ces recrues placées sur un rang que les sergents de M. de Louvois obligent à s’aligner à la parade. Rêveur absorbé, l’esprit tourmenté de toutes sortes d’images où les dieux, les bergers et les animaux s’assemblent comme les figures de l’Arche autour de Noé, il était bien et toujours, au milieu du repas, tel que Tallemant l’a vu, « un garçon de belles lettres et qui fait des vers. »
De la même plume facile, aisée, bien faite pour décrire les gens et les choses et dont il s’est servi pour camper Descôteaux dans son petit jardin du faubourg, La Bruyère a peint aussi La Fontaine. C’est, au chapitre des Jugements, dans les Caractères, le fameux passage : « Un homme parait grossier, lourd, stupide ; il ne sait pas parler ni raconter ce qu’il vient de voir… » mais d’Olivet a laissé entendre que La Bruyère, emporté par l’abus du pittoresque, avait fortement appuyé ses crayons et montré le fablier sous un aspect un peu trop pesant pour celui qui a dit, de lui-même, qu’il était « chose légère ; » et, c’est quand d’Olivet a écrit que, si « pourtant La Fontaine se trouvait entre amis et que le discours vint à s’animer par quelque agréable dispute, surtout à table, alors il s’échauffait véritablement, ses yeux s’illuminaient ; c’était La Fontaine en personne et non pas un fantôme revêtu de sa figure. »
Molière en étant venu, par les détours de la conversation, et tandis qu’à grands coups de fourchette il frappait sur les plats, à parler des auteurs de l’antiquité, « l’agréable dispute » dont parle d’Olivet ne tarda pas à se produire. Et ce fut à propos de Térence. Le fait que Boileau fit grief à Molière d’altérer