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fussent inférieures à sa capacité de paiement. Il faut donc se défier de ces formules séduisantes destinées à masquer, après des conversations forcément un peu vagues, le néant des résolutions. Si les gouvernements pouvaient causer entre eux sans se croire astreints à cette demi-publicité, qui n’est ni l’ombre ni la lumière, tout le monde gagnerait à cette discrétion.

Il reste qu’avant la réunion de Spa, maintenant retardée de semaine en semaine, bien des mises au point sont encore nécessaires et que si les Alliés veulent, dans cette rencontre périlleuse, présenter aux Allemands un front commun et continu, solidement équipé, ils ont un départ à faire, d’abord, entre ce qui les rapproche et ce qui les divise. L’Allemagne les guette avec une attention de plus en plus aiguisée, et elle cherche la fissure qu’elle pourra agrandir. Il a suffi que fût publié le chiffre indicatif de cent vingt milliards de marks pour qu’une protestation unanime et savamment indignée éclatât, non seulement dans toute la presse germanique, mais dans les discours prononcés par les ministres du Reich. Comment la pauvre Allemagne pourrait-elle jamais supporter la charge écrasante qu’on lui veut imposer ? N’est-elle pas la plus innocente victime de la guerre ? Son sol n’est-il pas partout appauvri ? Ses récoltes ne sont-elles pas réduites de moitié ? Ses fabriques ne sont-elles pas vieillies dans leur outillage ? Sa flotte de commerce n’est-elle pas anéantie ? Ses chemins de fer n’ont-ils pas perdu leur valeur ? Ses colonies, dont les richesses lui eussent été si utiles, ne lui ont-elles pas été enlevées ? Ces vastes territoires, qui étaient la source de sa prospérité, ne sont-ils pas passés sous des dominations étrangères ? Ses stocks de matières premières et d’objets manufacturés ne sont-ils pas épuisés ? Ne manque-t-elle pas de minerai et n’est-elle pas iniquement privée de son charbon ? Ah ! si seulement on lui rendait celui qui gît là-bas dans les mines de Silésie !

Et aussitôt l’idée a germé dans le cerveau des hommes d’État allemands : profiter de la conférence de Spa pour obtenir des Alliés qu’ils fassent disparaître du traité de Versailles l’article 88 et l’annexe qui le complète. Dans un article récent dont il m’a été donné de contrôler les informations, M. Maurice Barrès a déjà dénoncé cette audacieuse manœuvre. Il faut que l’opinion française soit avertie. L’Allemagne ne veut pas renoncer à l’empire du charbon ; elle ne veut pas laisser faire, en Haute Silésie, un plébiscite qui tournera certainement contre elle dans les régions industrielles et qui attribuera à la Pologne les cercles les plus prospères. Elle multiplie les