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REVUE MUSICALE


THEATRE DE L’OPERA-COMIQUE. — Le Sauteriot ; poème de MM. Henri-Pierre Roche et Martial Périer, d’après la pièce de E. de Keyserling ; musique de M. Sylvio Lazzari. — Lorenzaccio, d’après Alfred de Musset ; musique de M. Ernest Moret. — Mme Ritter-Ciampi, dans la Traviata. — La musique étrangère à Paris.


Henri Heine trouvait à nos vieux opéras-comiques de la grâce, de l’esprit, du naturel et de la poésie. Mais une poésie, ajoutait-il, sans le frisson de l’infini, sans morbidezza, une poésie jouissant d’une bonne santé. Il s’en faut que ce dernier trait distingue les deux ouvrages de M. Lazzari jusqu’ici représentés à l’Opéra-Comique. Impossible de se porter plus mal qu’on ne le fait dans l’une et l’autre de ces histoires insalubres, dans la première surtout. La lèpre au moyen âge, en Bretagne ; sa transmissibilité, par l’hérédité ou par le contact ; son traitement, atroce, ou son extinction, par l’isolement et la réclusion perpétuelle ; deux cas déclarés et un troisième qui ne saurait manquer de se produire ; des malades, et derrière eux, ou plutôt au-dessus d’eux, couvrant tout le drame de son ombre funeste, la maladie elle-même ; tel était le sujet, les personnages, et la véritable héroïne de la Lépreuse, (poème de M. Henry Bataille).

Au commencement du Sauteriot, l’état sanitaire n’est pas aussi généralement déplorable. Il ne s’agit que d’un cas isolé, mais qui, pour n’être pas de lèpre, est tout de même grave et quasi désespéré. Dans une famille lithuanienne, Anne, la mère, se meurt. Autour d’elle, les autres membres de la famille lithuanienne sont le père, Mikkel, un mauvais sujet ; la vieille Trine, mère de la mourante, la belle Madda, sœur de Mikkel, enfin une pauvre et frêle créature, Orti, le Sauteriot. Fille naturelle de Mikkel, Anne l’a recueillie, élevée avec tendresse, mais elle n’a jamais reçu de son père, ivrogne et brutal, que des injures et des coups.