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LITTÉRATURES ÉTRANGÈRES

LES LETTRES DE SWINBURNE[1]

Le 30 mai 1871, Victor Hugo, à la suite d’incidents rapportés tout au long dans Actes et paroles, était expulsé de Belgique. Aussitôt, un poète anglais, fanatique de ses œuvres, parlait d’organiser une manifestation. Il écrivait, le 2 juin, à deux de ses amis : « Si Victor Hugo vient à Londres, par suite de l’acte inqualifiable du gouvernement belge, qui lui a refusé asile, — (c’était d’ailleurs un pur roman), — il faut absolument lui faire une réception où se réuniraient tous ceux qui admirent en lui, dans cette affaire, la religion intransigeante de la conscience humaine et qui reconnaissent en même temps, dans cet homme de devoir, le plus grand poète du siècle… Ce serait un hommage et une protestation. Et cette cérémonie ferait rejaillir sur ses membres un honneur qu’elle ne peut se flatter de faire, il va sans dire, au plus illustre des hommes vivants. » La réception n’eut pas lieu. Victor Hugo ne vint pas à Londres, il alla en Luxembourg. Et c’est seulement onze ans après, en 1882, lors de la fameuse reprise du drame le Roi s’amuse, que le poète anglais, quadragénaire et déjà sourd, eut le bonheur d’approcher son dieu, pour la première et la dernière fois de sa vie.

Les lignes que je viens de traduire ne sont pas le seul passage des Lettres de Swinburne, récemment publiées par

  1. 2 vol. Londres, Heinemann. — Cf. Edmund Gosse, A. C. Swinburne, 1917 et Turquet-Milnes, The influence of Baudelaire, Londres, 1913.