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pleurer !!! Heureusement, il suffit de lire la pièce pour se convaincre de l’insanité de ces déformations systématiques. La course des apothicaires est un de mes plus joyeux souvenirs d’enfance.

Il est peu probable, et même peu désirable, que l’on s’efforce à remettre cet autre divertissement royal, ce « ballet en comédie » attribué d’abord, par erreur, à Benserade : Les amants magnifiques, dont le sujet fut donné par Louis XIV. « Deux princes rivaux, qui, dans le champêtre séjour de la vallée de Tempé, où l’on doit célébrer la fête des Jeux Pythiens, régalent à l’envi une jeune princesse et sa mère de toutes les galanteries dont ils se peuvent aviser. » Certaine tirade du général Sostrate, amant d’Ériphile, contre le magnétisme et les sciences occultes, prouve que ces questions préoccupaient déjà les esprits, et le dernier intermède pourrait passionner les restaurateurs de Jeux Olympiques ; mais tous ces détails ne sont guère suffisants pour l’attrait d’une reprise forcément coûteuse.

L’Avare et le Bourgeois Gentilhomme, qui sont donnés couramment et font salle comble, sont, de nos jours, parmi les pièces de Molière les mieux « distribuées » qui soient. Nous eûmes l’intention, lorsque la paix fut signée, de terminer le Bourgeois par le joyeux dialogue des gens qui demandent, en musique, au marchand de programmes, les « livrets du ballet. » Deux bourgeois du quartier du Palais-Royal se plaignent d’être négligés, et des importuns de toutes les nations gigotent et battent des mains en cadence, suivant les conseils de trois chanteurs espagnols :

Alegria ! Alegria ! Alegria !
Que esto de dolor es fantasia…

Je n’ai jamais assisté aux extravagances du Muphti sans me remémorer l’anecdote de Lulli. On sait que Lulli divertit énormément Louis XIV dans ce personnage. Or, ce triomphe, lorsque Lulli voulut être reçu secrétaire du Roi, devint pour lui un titre d’exclusion ; cette illustre compagnie déclara qu’elle ne voulait point d’un farceur. Lulli porta ses plaintes à Louvois, qui ne put s’empêcher d’approuver la délicatesse de messieurs les secrétaires du Roi. « Comment ! s’écria le musicien, si le Roi vous ordonnait de danser, pourriez-vous refuser ? » Le ministre, écrasé par cet argument, fit entendre