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nécessaire. Théophile Gautier avait raison sur ce point. Dans son excellente étude sur les Comédies-Ballets de Molière, un professeur de l’Université, M. Maurice Polisson, a fait œuvre de moliériste clairvoyant en affirmant que, lorsqu’on dédaigne cette partie du théâtre de notre grand comique, on ne peut être en état de rendre à Molière toute la justice qui lui est due sur maints détails artistiques.

Molière aimait la musique ; il aimait la danse ! Sans cesse, au cours de sa carrière, dans ses comédies si diverses, il parle en connaisseur, en professionnel, de ces deux arts universels. Dans le milieu moliéresque, ils étaient tous plus ou moins musiciens. Armande Béjart, dès sa jeunesse, chantait souvent en italien, en s’accompagnant sur la guitare ; elle dansait à ravir ; nous en avons la preuve par les comptes rendus des Plaisirs de l’Ile Enchantée ; et plus tard, la fille de Molière, cette mystérieuse et mélancolique Madau-Madeleine, devait, naturellement, épouser un musicien, le sieur de Montalan, gentilhomme, qui fut, pendant quelque temps, organiste de Saint-André-des-Arcs.

N’empêche que le chapitre « Musique » des budgets de la Comédie-Française, donne encore lieu, aux assemblées générales, à des réclamations toujours vives. Les protestations sont moins ardentes aujourd’hui qu’elles ne l’étaient du temps de Molière. La Grange et La Thorillière nous révèlent, par leur registre, que lesdits frais de musique représentaient déjà, dans la troupe de notre aïeul, un luxe de « bruit coûtant fort cher, » et dont l’exécution n’était pas toujours facile. On en eut la preuve lors des représentations de Psyché et des agissements peu confraternels du Florentin, ce diable de Lulli.

Une réédition du Ballet des Muses serait aussi vaine qu’impossible. Mélicerte, dont une seule scène est à garder, ne fut jamais terminée par Molière, le roi s’étant contenté de cette comédie pastorale héroïque inachevée et qui faisait partie du dit ballet, dansé par Louis XIV, au château de Saint-Germain-en-Laye, le 2 décembre 1666. Cette pastorale fut suivie d’une autre Pastorale Comique, sorte d’impromptu môle de scènes récitées et de scènes en musique, avec divertissements et entrées de ballet. Il y a de tout dans cette pastorale, même un « triolet, » chanté par Filène :

Je t’étranglerai, mangerai,
Si tu nommes jamais ma belle !