Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 57.djvu/850

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

transport par voie ferrée. Nous empruntons ces détails à l’étude qu’a publiée M. Creanga, ancien secrétaire général du ministère roumain du Commerce et de l’Industrie. Il nous montre comment la majeure partie des ressources du pays était consacrée à l’entretien de l’armée d’occupation. Un soldat allemand coûtait 30 lei par jour (le lei qui, en temps ordinaire, vaut le franc, est actuellement côté aux environs de 30 centimes), ce qui imposait à la Roumanie une dépense de 700 millions par an, chiffre supérieur à celui du budget total d’avant-guerre.

La Roumanie fut mise au pillage, non seulement par les armées d’invasion, mais encore par les innombrables individus, fonctionnaires, commerçants, spéculateurs, qui suivaient les troupes. Des milliers de wagons d’aliments, provenant des récoltes de 1915 et de 1916, ont été trouvés dans les magasins, d’où on n’avait pas eu le temps de les exporter. La zone dite de l’Etat-major fut scientifiquement organisée. Un inventaire complet fut dressé de toutes les ressources du pays en aliments, fourrages, bétail, volaille, vêtements, linge, outils, machines. Sous des peines draconiennes, il fut interdit aux habitants d’aliéner la moindre parcelle de ce qu’ils possédaient, sans la permission de l’autorité militaire. Les wagons chargés des objets réquisitionnés furent dirigés vers les pays allemands, austro-hongrois, turcs et bulgares, les premiers se réservant toujours la part du lion. Ce fat surtout après la signature de la paix de Bucarest que le pays fut mis en coupe réglée.

De graves atteintes ont été portées au droit de propriété. Les terres ont été mises sous administration allemande : celle-ci prélevait 10 pour 100 des revenus, dont le propriétaire ne touchait rien. Les comptes étaient tenus de façon à faire toujours apparaître un déficit. On rachetait par exemple, au débit du propriétaire, à des prix très élevés, ses propres instruments, préalablement confisqués et vendus à des cours dérisoires. Les registres étaient d’ailleurs tenus d’une façon impeccable, de façon à mettre les spoliateurs à l’abri de toute réclamation.

Le résultat de l’exploitation de la Roumanie par les Puissances centrales a été consigné dans un rapport de l’administration militaire allemande, rempli d’aveux précieux à enregistrer. Pour ne citer qu’un exemple, celui de l’industrie du