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contaminées de bolchévisme ; étant donné la difficulté des transports, il faut plusieurs mois pour les ramener, et on sacrifierait ainsi les ressources de l’Ukraine en grains, bestiaux, chevaux, fourrages…

D’autre part, on constate que les effectifs ont encore beaucoup baissé : le front Ouest compte 191 divisions, dont 4 autrichiennes (qui vont disparaître par la demande d’armistice de l’Autriche) et 7 venant de l’Est. — 28 divisions d’infanterie n’ont que 200 à 300 hommes. « Si mes bataillons étaient à effectifs pleins, la situation serait sauvée, » dit Ludendorff. Mais il sait bien que personne ne peut les mettre à effectifs pleins.

Le ministre de la guerre Scheuch refait de nouveau ses comptes, il pourrait donner, ou bien 190 000 par mois, ou bien 600 000 d’un coup, et ensuite 100 000 par mois. Mais il ne peut indiquer de délai pour cette deuxième solution, et dans une autre conférence du même jour, il annonce qu’il s’est mis d’accord avec Ludendorff pour un renfort immédiat de 75 000 hommes. Nous voilà loin de tous les premiers chiffres. Mais le ministre explique que les renforts ne peuvent arriver que peu à peu et Ludendorff acquiesce par son silence, bien obligé de se contenter de ce qu’on peut lui donner.

Par ces renseignements certains qui confirment les calculs de notre deuxième bureau trop souvent suspectés d’optimisme, nous constatons qu’après la suppression de 22 divisions, les effectifs des régiments d’infanterie étaient, dans l’ensemble, diminués de moitié. Les bataillons étaient en majorité réduits à trois compagnies, et un assez grand nombre à deux compagnies.

L’état physique des troupes empirait ; les mêmes divisions revenaient trois et quatre fois au feu avant d’être reposées et recomplétées ; d’autres ne quittaient pas la bataille. Aucune réserve n’était plus disponible pour parer à une défaillance sur un point du front. Quant au moral, il était au plus bas dans la plupart des unités. Ludendorff n’avait cessé de réclamer un appel à la nation, venant de quiconque pouvait paraître en état de lui parler, — car depuis longtemps il n’était plus question de l’Empereur. Il s’adressait à Scheidemann, à Ebert, qui restaient muets. Le 28 octobre, après son départ, le conseil des ministres secrétaires d’État put enfin entendre d’autres généraux que lui, et convoqua les généraux von Mudra et von Gallwitz, qui, malgré un certain optimisme, insistèrent sur la double nécessité de relever