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comment finit la guerre.

Ludendorff revient à quatre reprises sur ce sujet. En 1916, au moment où il prend le commandement avec Hindenburg sous le titre de Premier Quartier Maître général, il examine la situation dans les colonies allemandes et dit incidemment : « L’utilité que la France a tirée de son empire colonial ne peut être estimée assez haut. Elle a mené la guerre, notamment dans l’été 1918, dans une large mesure avec les troupes de couleur. » En 1917, c’est le bilan de la situation sur le front occidental qui s’impose : « La France avait déjà donné ses enfants. Les bataillons n’avaient plus que trois compagnies au lieu de quatre. Mais elle possédait dans son empire colonial un immense réservoir d’hommes, auquel elle fît appel de plus en plus. » Le 15 juin 1918, pendant une pause entre deux attaques, il dit : « La France tirait plus de ressources que dans les premières années des riches réserves d’hommes de son empire colonial. Il est certain que, dans le temps d’arrêt où nous nous trouvions, elle reprenait des forces. » Enfin, en août, en signalant une première suppression de 10 divisions allemandes, il constate que les armées de l’Entente avaient aussi beaucoup souffert, mais il remarque que la France réparait ses pertes : « La France avait engagé un nombre surprenant de nègres du Sénégal et de Marocains. »

Il faut donc rendre un éclatant hommage à l’effort de nos colonies au cours de la guerre ; elles ont contribué bien au delà de ce que la métropole pouvait en attendre, étant donné les lacunes considérables de leur préparation militaire. Mais il faut également constater que cet effort aurait obtenu des résultats beaucoup plus importants, s’il avait été organisé dès le temps de paix, ou même si les instructions du Gouvernement avaient été suffisamment nettes et fermes dès le début des hostilités. « Si la conscription avait été instituée depuis une dizaine d’années, l’Afrique, dès la mobilisation, au lieu de nous fournir 28 000 hommes, nous aurait donné 250 000 combattants, » a pu écrire M. Abel Ferry. Cet effort aurait certainement pu être doublé pendant les années suivantes. La Tunisie et surtout le Maroc auraient pu donner des contingents beaucoup plus importants qu’ils ne l’ont fait. Le corps de 20 000 Sénégalais dont la création avait été commencée en Algérie en 1910 devait être prêt en 1914. « Ainsi, une division en France le 15e jour de la mobilisation, une seconde division le 40e jour,