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comment finit la guerre.

dont 60 pour 100 récupérables en un mois. Aussi, malgré nos pertes, nos effectifs s’étaient-ils accrus de 15 000 hommes en avril 1916, et ils continuaient à monter.

À la veille de l’offensive du 16 avril 1917, ils s’élevaient à 2 965 000 hommes, le chiffre le plus élevé qu’ils eussent jamais atteint, et qu’ils n’ont jamais retrouvé. Les pertes de l’offensive du 16 avril ont donné lieu à des discussions confuses, dont l’exposé serait très long. Elles ont été très exagérées au début, par erreur et par parti pris. La totalisation des états fournis par les armées donnait 15 589 tués ; 20 500 disparus (tués ou prisonniers) ; 60 036 blessés, — au total 96 125. Nous étions loin des pertes subies dans les offensives précédentes et les résultats obtenus étaient sensiblement plus considérables. Mais le moins qu’on puisse dire, c’est que le Commandement, harcelé sans répit, n’avait plus sa liberté d’esprit. La liquidation de cette grande opération fut plus coûteuse que l’opération elle-même. Sur ce terrain, fin mai, nous en étions à 67 000 morts ou disparus, 110 000 évacués ; en fin juillet, à 87 000 morts ou disparus, 169 000 évacués.

Pendant le reste de l’année, un calme relatif régna sur le front, qui s’anima seulement pour les attaques à objectif limité de la Malmaison et de Verdun. Nos pertes furent au total de 38 000 hommes tués et 128 000 évacués : ce sont les plus faibles de toute la guerre.

Mais un nouveau facteur venait d’intervenir, qui a causé, — non pas certes à la nation, mais du moins à l’armée, — des pertes beaucoup plus considérables que n’avait pu faire l’ennemi pendant chacune des années précédentes. Le départ des nouvelles classes et le maintien sous les drapeaux des classes anciennes avaient créé un vide croissant dans la population de nos campagnes ; l’emploi des indigènes coloniaux, des étrangers et des prisonniers de guerre y présentait plus de difficulté que dans l’industrie et aucune mesure n’avait été prévue pour satisfaire ce besoin essentiel de la France. Il faut reconnaître que dans notre pays le morcellement de la propriété et la routine paysanne rendent plus difficile que partout ailleurs l’emploi d’équipes agricoles disposant d’un matériel puissant et tout à fait moderne. Quoi qu’il en soit, le problème n’avait pas été envisagé, — et il reste entier à l’heure actuelle, — en sorte qu’il fallut rendre des bras à l’agriculture.