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délai de quatre mois est expiré. Le délai complémentaire de deux mois est expiré. L’accord n’est point intervenu. Le protocole doit donc disparaître pour faire place au traité.

Par un défi véritable à la lettre et à l’esprit du protocole, l’Allemagne a, il est vrai, prétendu que le délai de quatre mois ne datait que de la mise en vigueur, et non de la signature, et qu’il expirait seulement le 10 mai; et dans la journée du 10 mai, elle a envoyé des états dérisoires de dommages qui ne contiennent aucun élément sérieux de discussion. Mais, de toutes façons, aucun accord n’est intervenu dans les deux mois qui ont suivi la mise en vigueur du traité, et le détour imaginé par l’Allemagne nous ramène lui-même aux exigences de la partie VIII. Les dommages doivent être évalués et, pour difficile que soit la tâche, elle n’est pas irréalisable, si, comme il y avait paru disposé, le gouvernement simplifie la procédure des commissions cantonales et les aide à hâter leurs décisions. On aura alors de véritables jugements qui auront été rendus contradictoirement entre les particuliers sinistrés et l’État, et qui fourniront à la Commission des Réparations une base inébranlable pour l’ensemble de ses estimations.

Il semblerait donc que l’exécution du traité pût suivre son cours normal et que les gouvernements, surchargés de besogne, assaillis par tant de difficultés économiques, financières et sociales, fussent libres de se reposer aujourd’hui sur la Commission des Réparations du soin de régler la dette de l’Allemagne, ainsi que les conditions de paiement. Mais non. Les gouvernements ou, tout au moins, deux ou trois d’entre eux, préfèrent opérer par eux-mêmes. Sont-ils, du moins, d’accord dans l’entreprise qu’ils veulent tenter? Le cabinet français a la volonté sincère de ne pas toucher au traité. Personne ne saurait mettre en doute, sur ce point ni sur aucun autre, la parole de M. Millerand. Mais M. Nitti propose ouvertement d’adoucir la paix et de la rendre tolérable à l’Allemagne; et, pendant que M. Lloyd George proteste contre l’idée de révision, il laisse tous les jours les Allemands grignoter un nouveau morceau du traité. Si douloureux qu’il soit d’avoir à faire de telles constatations, elles s’imposent irrésistiblement à notre patriotisme alarmé.

Chaque fois que Raphaël de Valentin voit se rétrécir, en ses mains prodigues, la peau de chagrin qu’il a reçue en talisman, c’est, du moins, qu’il a eu la joie d’avoir un vœu réalisé ou un désir assouvi. Nous, à chaque rétrécissement du traité, nous enregistrons une déception; et après Londres, après San-Remo, après Hythe, voici