d’amour. Les romans de M. Edmond Jaloux ont quelque analogie avec l’art de Watteau.
Les personnages de M. Edmond Jaloux sont le plus souvent, comme les personnages de Watteau, dégagés de tous les empêchements qui leur seraient un fardeau pénible, et ridicule parfois, dans leurs fêtes galantes. Apremont nous l’a dit, que l’argent n’est pas l’ami de l’amour, soit que l’on en veuille beaucoup, soit que l’on n’en ait point assez. Les personnages de M. Edmond Jaloux ont tout le loisir le meilleur ; et, pour accueillir les bien-aimées, des appartements où vraiment tout est luxe et volupté ; pour les suivre dans leurs déplacements, une extrême facilite de voyage.
L’on est, de temps en temps, près d’en sourire. Mais on a tort. Sans doute, valait-il mieux, comme a fait M. Edmond Jaloux, ne point embrouiller les choses. Il étudiait la passion de l’amour. Il l’a, en quelque sorte, isolée, pour la mieux voir. C’est le procédé des savants… Mais, exactement, il ne s’agit pas de science ?… Eh bien ! c’est aussi le procédé des poètes, aux plus belles époques de la poésie. Les personnages de nos plus belles tragédies sont des seigneurs et des princesses que ne retardent jamais les tracas de l’existence médiocre. Ils ont des serviteurs et des confidents qui arrangent tout à merveille autour de leur félicité ou de leur sublime désespoir. Luc d’Hermany a un valet de chambre, « muet et sobre, » qui n’a pas son pareil pour allumer les lampes, dès que tombe le soir : ce « serviteur de la nuit » arrive ou, plutôt, « glisse sur le tapis velouté. » C’est une ombre, qui sait faire de la lumière. Si bien secondés, ces jeunes gens n’ont à organiser que leurs aventures d’amour, où les mènent leur beauté, leur esprit, la complaisance des jeunes femmes et les favorables hasards. Comme Fantasio et Spark, ils n’exercent pas un métier, de sorte qu’ils sont maîtres de leur temps et gardent une liberté mentale excellente. Ils sont amoureux : c’est toute leur occupation ; L’un d’eux, Boniface des Fumées dans la campagne, vient à se lasser d’une pareille nonchalance, Il adore « les travaux manuels, les chevaux, l’odeur des écuries, la société du populaire. » Boniface est marquis de Peyroncel et dernier rejeton d’une des plus vieilles familles provençales. Ce n’est pas la nécessité qui l’a rendu actif. Mais, pendant une semaine, il remplace le facteur rural de sa commune. Pendant un mois, il conduit la diligence d’Aix à La Barque-Fuveau. « C’étaient des sortes de dises qui s’emparaient de lui, tout à coup. Il lui fallait se plonger en plein labeur, en pleins milieux ouvriers, se grisant de turbulence physique, de bruit, de